Déchiffrer la semaine politique québécoise

Il y a plusieurs chiffres à retenir cette semaine.

24%

C’est la faible proportion de Québécois qui réclament des élections provinciales. Contre 54% qui n’en veulent pas. C’est Jean-Marc Léger qui le soulignait dans le Journal de Montréal mardi, concluant avec raison que Jean Charest peut dormir tranquille tant que la soif d’élection sera si faible.

Il est donc assez surprenant que malgré son taux d’impopularité record (74%), le mécontentement palpable sur le dossier de la construction, l’intérêt pour le nouveau parti de Legault les Québécois affirment que, finalement, ils préfèrent ne pas aller aux urnes. Pourquoi ? Réponse plus bas.

– 9%

C’est la chute des intentions de vote favorables à François Legault, entre juin et septembre. Il est passé de 47% à 38%, dans les sondages CROP. Puisque la stratégie de Jean Charest est d’attendre la fin de la lune de miel entre les Québécois et Legault avant d’envisager des élections, ce recul peut lui sourire.

Mais, pour reprendre ma citation favorite de Charles Sirois: « Elle est loin, la coupe aux lèvres! » Car même à 38%, Legault domine et c’est encore très tôt pour diagnostiquer une tendance descendante forte. Il faut dire que la série des sondages de Léger est plus stable: dans ses coups de sonde, Legault avait 33% en juin et 34% en septembre.

45%

C’est, selon CROP, l’intention de vote stratosphérique qu’obtiendrait le PQ si Gilles Duceppe le dirigeait, plutôt que 28% avec Pauline Marois (et 32% avec Curzi, qui affirmait aux Francs-Tireurs cette semaine qu’il n’espérait vraiment pas que le PQ meure aux prochaines élections et qui ne peut imaginer un Québec sans le PQ.).

Malheureusement, CROP a testé cette hypothèse sans y inclure l’existence d’un parti de Legault (on se demande pourquoi), ce qui fausse le résultat.

Comme Gilles Duceppe a publiquement demandé aux souverainistes de s’unir derrière Pauline Marois le samedi précédant la publication de ce sondage, l’hypothèse d’un rapprochement entre les deux, d’une place de numéro 2 du PQ pour Duceppe, continue à être posée, comme celle de l’impact que cette union sacrée — rappelant le couple Bouchard/Parizeau de 1995 — aurait sur l’opinion.

7%

Probablement le pire chiffre de la rentrée pour Pauline Marois. Il est normal que l’intention de vote péquiste reste au plancher — les démissions ont fait atrocement mal et il est trop tôt pour que ça change.

Mais interrogés par Léger sur le chef politique en qui ils font « le plus confiance pour régler le problème de la corruption et de la collusion dans l’industrie de la construction ? »

16% des répondants ont choisi Amir Khadir, normal.
14% ont choisi l’homme qui avait le moins parlé de cette question depuis un an: François Legault. Ce dernier a fait cette semaine un excellent rétablissement sur cette question.
7% ont choisi Jean Charest — un comble !

et:
7% ont choisi Pauline Marois, qui ne cesse d’en parler depuis un an.

Le chiffre est grave car lorsqu’on décompose la popularité d’un chef selon les thèmes, on a souvent des variations très importantes: meilleur pour l’économie, moins bon pour la santé, excellent pour la langue, etc. Ce 7% sur le thème même de l’intégrité qui doit être un point fort du PQ est troublant.

Il est à mettre en parallèle avec cette autre question de Léger, et ces autres réponses, très parlantes:

88

 

 

 

 

Et voilà, en retour, ce qui explique pourquoi seulement 24% des Québécois veulent des élections. Ils pensent que tous les partis sont pourris. Alors, pourquoi changer ?

Ce contenu a été publié dans campagne 2012 par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !