Dela télé chaude

Mon premier réflexe était de vous offrir mes suggestions de visionnement « pour les jours de pluie » de la saison estivale. Mais après avoir vécu quelques jours de chaleur intense et consulté les prévisions pour les semaines à venir, je me suis dit qu’on entamerait une toute nouvelle tradition d’été : toutes les fenêtres du chalet fermées, la climatisation au max, écouter la télé en attendant que la canicule passe. Et s’il pleut… tout le monde dehors !

Que choisir pour des séances de rattrapage ? Quelques mots, d’abord, pour souligner la grande qualité de plusieurs productions télévisuelles québécoises. Au sommet de mon palmarès de l’excellence, je place le rendez-vous automnal de TVA : Révolution. Concept de compétition de danse du groupe montréalais Fair-Play, notamment exporté en France, en Espagne, en Russie et en Chine, l’émission séduit un million et demi de Québécois par semaine et est un encouragement permanent au dépassement. La qualité des danseurs — éclectiques et de tous âges — de la caméra, du montage (resserré pour la dernière saison), des juges lui vaut cette médaille d’or. Le fait que l’émission provoque un engouement dans la jeunesse pour la danse — donc pour l’exercice physique et l’effort — devrait leur valoir un prix spécial des ministères de l’Éducation et de la Santé (en rattrapage sur TVA+).

En fiction, je souligne à grands traits l’excellence de trois séries diffusées cette année.

La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé. Oui l’intrigue, oui le montage, oui la vérité des dialogues, oui la réalisation de Xavier Dolan. Mais, surtout, l’extraordinaire performance des acteurs fait de cette série un joyau de l’histoire de notre télé (sur Club Illico).

La série Plan B. Les scénaristes Jean-François Asselin et Jacques Drolet auraient pu s’essouffler après trois saisons fondées sur le même principe du protagoniste tentant de réparer, en revenant dans le temps, les erreurs de la vie. Pas du tout. Ils offrent une palpitante et profondément humaine saison 4. Pier-Luc Funk y est exceptionnel. La série est adaptée en Belgique et en France et la version canadienne-anglaise est promise à une carrière internationale. Seule question : qu’attend Netflix pour l’acheter (sur Tou.tv Extra) ?

Les 10 ans de la tragédie de Mégantic ont superbement occupé nos écrans cette année. Était-il possible de transformer un événement sensationnel en une série profondément humaine ? Le scénariste Sylvain Guy et l’équipe de Sophie Laurin ont réussi ce tour de force avec émotion, doigté et authenticité avec Mégantic. Avis : il est trop dur émotivement d’écouter les huit épisodes en rafale. Il faut étaler sur plusieurs jours (sur Club Illico).

Une fois ce voyage terminé, le visionnement du premier épisode du documentaire Lac-Mégantic. Ceci n’est pas un accident, de Philippe Falardeau, laisse songeur. Mêlant témoignages et enquête, on se dit d’abord qu’on a déjà donné, côté pathos. Mais il faut persévérer, car l’enquête prend les commandes des trois épisodes suivants dans un crescendo qui nous convainc de l’incurie coupable de l’industrie ferroviaire et du gouvernement canadien dans cette affaire (sur Vrai).

Cinq scénaristes se sont penchés sur le scénario de Virage. Double faute, y compris Éric Bruneau, qui incarne le protagoniste et qui, décidément, s’impose comme un des grands acteurs de sa génération. La trame narrative est un bijou, jusqu’à la toute dernière réplique (sur Noovo). J’y note la présence de Sylvie Léonard en mère contrôlante et aux facultés cognitives en déclin, aussi vraie dans ce rôle que dans celui, aux antipodes, de la femme énergique, pimpante et naïve qu’elle campe dans l’excellente reprise d’Un gars, une fille (sur Tou.tv).

Parlant comédie, l’intelligence et l’irrévérence des séries L’oeil du cyclone (Radio-Canada), où Christine Beaulieu crève l’écran, et Le bonheur (TVA), véhicule du regard caustique posé par François Avard sur nos travers, attestent de la santé de notre propension à l’autodérision. Mention spéciale à la capacité d’Infoman à défier le temps. Les dix premières minutes des émissions, consacrées à l’actualité politique, sont généralement d’une acuité décapante.

Côté documentaire, L’osstidquoi ? L’osstidshow !, sur le spectacle mythique qui a réuni les Charlebois, Forestier, Deschamps et Mouffe, est une pièce d’anthologie et une plongée dans une époque et une année — 1968 — aujourd’hui proprement inimaginables (sur Télé-Québec). Restez sur ce site pour visionner ensuite Robert en CharleboisScope, le dernier (pour l’instant) spectacle de l’indémodable rocker de 78 ans, préfacé d’extraits d’entrevues où le chanteur, dans sa prime jeunesse, déversait sur les aînés un dédain rétrospectivement hilarant.

Sur les chaînes américaines en ligne, je hisse au sommet de mon palmarès politico-social la série de la BBC The Capture, sur la manipulation des images par la police, les espions, les États, et d’autres. La première saison était excellente. La seconde, exceptionnelle (sur Prime Video). Dans The Diplomat, on retrouve la texture riche et l’intelligence vive de West Wing et de Homeland, dont la productrice est issue. L’intrigue ne se dénoue pas en fin de première saison, au contraire (sur Netflix).

Au sujet du Watergate, j’avais raffolé l’an dernier de la série Gaslit, dont les protagonistes, le procureur général de Nixon et son épouse rebelle, étaient incarnés par Sean Penn, méconnaissable, et Julia Roberts, divine (sur Prime). Cette année, HBO offre le récit des deux principaux exécutants du cambriolage. White House Plumbers reste proche des faits. Mais, écrite par les créateurs de la comédie Veep, la série prend des airs tragicomiques qui ne manquent pas de séduire (sur Crave).

Dans un autre registre, j’ai été littéralement emporté par la série 1883. Épique, violente, émotive, lyrique, la série raconte la ruée vers l’Ouest d’un groupe d’immigrants, à travers les yeux d’une jeune femme assoiffée de liberté. Ses parents sont campés par le couple de chanteurs country Tim McGraw et Faith Hill. Ç’aurait pu être un désastre. C’est grandiose (sur Prime). Finalement, ceux qui ont grandi en riant des frasques de Michael J. Fox doivent regarder le touchant documentaire Still: A Michael J. Fox Movie. Un hommage à la vie, à l’amour et à l’humour, malgré et à travers la douleur (sur Apple TV+).

(Ce texte a d’abord été publié dans Le Devoir.)

Ce contenu a été publié dans Choses vues par Jean-François Lisée. Mettez-le en favori avec son permalien.

À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !

3 avis sur « Dela télé chaude »

  1. 17-07-23
    M. Lisée suggestion de minisérie courte de 6 épisodes.

    El Toro, une série dramatique sur les francophones au Manitoba dans les années 1960-Un témoignage sur la francophonie au Manitoba dans les années 1960-Belle reconstitution d’époque. Gratuite sur ici Tou.tv
    Bon été M. Lisée.
    André

    https://ici.tou.tv/el-toro

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *