Les traqueurs (et traqueuses) de transphobes

Je vais faire des jaloux, je sais. J’ai eu droit à une consultation psychiatrique gratuite. Quand on connaît les prix qu’ils vous réclament, ça ne se refuse pas. C’est la médecin psychiatre Marie-Êve Cotton, souvent vue à la télé, qui s’est portée volontaire. Sur sa page Facebook elle a, à distance, relevé de graves symptômes.

“Lisée ne fait pas la distinction entre sexe et genre, entre autres inepties (sic). Au-delà du ridicule du propos, il comporte un élément essentiel de l’homophobie et de la transphobie: le sentiment de menace à l’identité hétérosexuelle et cisgenre que ressentent malheureusement certains hommes. Je le dis le plus sérieusement du monde aux hommes cisgenres hétérosexuels qui se sentent personnellement menacés par l’enseignement de la tolérance envers les autres orientations sexuelles et identités de genre aux jeunes dans les écoles: le problème n’est pas l’éducation sexuelle aux enfants, c’est votre profonde insécurité personnelle. Pour votre propre bien et celui du reste de la société, pensez à faire un gros travail psychologique personnel à ce niveau.” 

Je cite la Dr Cotton, dont je ne mets nullement en cause l’équilibre mental, car au-delà de son intérêt pour ma petite personne, sa posture est symptomatique de l’intransigeance d’intervenants impliqués dans ce débat. On lisait samedi Martine Delvaux affirmer que ceux qui interrogent la théorie du genre sont les équivalents modernes des brûleurs de sorcière. L’activisme trans ne se limite pas à l’échange épistolaire. Il utilise des leviers administratifs et légaux pour faire taire l’expression de points de vue différents.

Annuler une infirmière. Ce mois-ci en Colombie-Britannique, Amy Eileen Hamm risque de perdre son droit de pratique pour avoir affirmé que le sexe existe, qu’il a des conséquences biologiques et que les droits des femmes doivent prévaloir sur certaines revendications trans. Puisque c’est aussi la position de l’auteure J.K. Rowling, elle avait payé pour la pose d’un grand panneau “I Love JK Rowling”. Des gens outrés ont jeté de la peinture sur l’affiche, retirée le lendemain. Des plaintes pour “affirmations médicalement fausses” ont été portées par des militants, et rejetées par l’ordre des infirmières et sages-femmes, mais les plaintes, anonymes, pour transphobie et propos haineux subsistent..

Le cas n’est pas unique. Les ordres professionnels de la santé reçoivent désormais régulièrement des plaintes pour toute déclaration s’écartant de la rectitude des activistes trans. Dans un texte franc, lucide et courageux publié sur sa page Facebook sur la réalité de la dysphorie et les dangers de l’activisme trans, la sexologue Jocelyne Robert révèle avoir été l’objet de trois plaintes, rejetées par son ordre professionnel, pour avoir osé dire que la mouvance transgenre pouvait inciter des enfants et ados à s’en réclamer, puisqu’ils sont, compte tenu de leur âge, influencables. 

Emprisonner les dissidents. Plus inquiétant est la tentative de criminalisation de la prudence. Médecins, éducateurs et psys qui oseraient proposer à un adolescent incertain de son orientation sexuelle d’attendre avant de s’engager dans un processus de transition médicale pourrait être poursuivi, au criminel, en vertu de la nouvelle loi fédérale qui interdit les thérapies de conversion. L’objet de la loi est de mettre fin à la pratique cruelle de charlatans idéologiques qui tentent de “guérir” des gais. Mais pour l’organisation LGBTQ+ canadienne Égale: « Les thérapies de conversion peuvent” peuvent “ressembler à la rétention de soins médicaux nécessaires tels que les bloqueurs d’hormones par les fournisseurs de soins de santé.” Égale est financé notamment par le ministère canadien de la Justice, dont le logo apparaît sur le “fact sheet” d’où provient cette surprenante citation. On peut compter sur eux pour tester cette théorie devant un tribunal. Un professionnel de la santé ainsi condamné pourrait devoir payer jusqu’à 5 000 $ d’amende et/ou croupir derrière les barreaux pendant deux ans (moins un jour).

Ces criminels canadiens potentiels ne feraient pourtant que s’arrimer à la répudiation de l’approche de l’affirmation de genre par le National Health Service du Royaume-Uni en décembre, lui-même confortant des décisions similaires de la Finlande en 2020, du Royal Australian and New Zealand College of Psychiatrists concluent en 2021 à ’une “insuffisance de données probantes sur l’efficacité des traitements pour les personnes présentant une dysphorie de genre”. Une inquiétude réitérée, en 2022, par la Suède et le Danemark. Ils ne feraient de plus que relayer, sur l’innocuité présumée des bloqueurs d’hormones, la conclusion de  l’Académie nationale de médecine de France qui conclut au contraire “des effets secondaires tels que l’impact sur la croissance, la fragilisation osseuse, le risque de stérilité, les conséquences émotionnelles et intellectuelles et, pour les filles, des symptômes rappelant la ménopause”. 

Partisan du bénéfice du doute, le généraliste que je suis constate que ce qui était considéré, il y a cinq ou six ans, comme des conclusions scientifiques établies, est l’objet depuis d’une réévaluation complète, justifiée par la forte augmentation des cas observés. Certain(e)s veulent s’arc-bouter sur des certitudes désormais révolues et usent pour ce faire d’arguments divertissants mais dénués de profondeur. D’autres souhaitent s’inspirer plutôt du mot de l’économiste John Maynard Keynes: “lorsque les faits changent, je change d’avis. Et vous ?”

12 avis sur « Les traqueurs (et traqueuses) de transphobes »

  1. Il faut lire aussi La fabrique de l’enfant-transgenre par Caroline Eliacheff, Céline Masson.
    La militance , qui est souvent le fait de gens meurtris ou en besoin d’être fâchés, tue la pensée. L’indignation prend le dessus sur la réalité des faits qui ne les ébranle pas ou plus justement, ne doit pas les ébranler. Ils sont au secours d’une souffrance, sans aucun doute. Sauf qu’on ne peut pas demander à une société d’épouser un déni de la réalité, si brutale qu’elle apparaisse à leurs yeux. Je regrette qu’une histoire si intime qui relève de la clinique: – évaluation ,diagnostic, compréhension du sous-bassement psychique sous la demande, soin, et ultime ment décision – soit devenu un enjeu militant avec un effet de mode ….et d’excommunication. Et un divertissement dans les émissions de variétés. Merci de la justesse de vos propos dans un débat qui fait perdre de vue les enjeux humains de l’ordre de l’intime sous la brume des anathèmes.

  2. *Particulièrement futile comme débat de société : l’effet de mode provient de notre système capitaliste de consommation puisqu’il s’agit d’un nouveau groupe de consommateurs qu’on a pas encore. Du reste, vous avez tous vu la cage aux folles ? N’en demeure pas moins qu’à l’époque, la chirurgie et la médecine / industrie pharmaceutique ne faisait pas les miracles d’aujourd’hui. Des consommateurs avant tout, donc, les trans, des citoyens ensuite parce que l’identité aujourd’hui est affaire de magasinage vu le vide societal et l’abondance de points de vue. Liberté ; capitalisme de consommation : la dernière phase avant la « démocratie totalitaire » ou est-ce qu’on est déjà dedans ? Il ne peut pas y avoir de débat : le marché l’emporte. Les gays ? Déjà fait. Bientôt, ça sera le corps augmenté : dans l’esprit du marché, votre corps est une marchandise. Combien veux-tu que je te paye pour porter mon enfant ? Pour changer son ADN ? Et si je veux tel ADN, combien ? Vendez-vous celui d’Einstein ? Je veux faire cloner ma grand-mère, pouvez-vous faire ça ? Oh, je dirai que c’est ma fille…

  3. Il. ´y a pas si longtemps, on discourait, même au Québec, sur le sexe des anges. Est-ce que l’Église a tranché?
    Mais depuis… y a-t-il des anges transgenres?
    Qu’en pense l’Archevêché, le Saint-Siège lui-même?

  4. Au cas où vous l’auriez manqué, le blogue canadien Gender Dissent a un article fort intéressant sur Egale.

    https://www.genderdissent.com/post/from-gay-rights-to-trans-wrongs-egale-s-lucrative-transition

    E.G.A.L.E (pour Equality for Gays and Lesbians Everywhere) rapporte un déficit en 2006 de $13,000.
    On laisse tomber les homosexuels pour la promotion des trans et devient Egale. En 2017 Egale rapporte des revenus de 2,87 millions dont 54.2% de la somme est consacrée aux salaires et bénéfices. En 2022 les revenus sont de 4,8 millions, et les dépenses en salaires et bénéfices représentent 67% des dépenses de l’organisation.

    J’ai envoyé un message d’encouragement à Amy Eileen Hamm.

  5. Si j’étais psychiatre, ce qui attirerait mon attention en premier lieu au sujet de la théorie du genre, c’est son aspect dissociant. On sépare, on dissocie, on déracine une réalité psychique (Identitaire) d’une réalité anatomique (sexe), qui sont habituellement intimement liés. C’est tout de même fort de s’octroyer un tel pouvoir sur la vie !!!! Narcisse peut bien aller se rhabiller!!!!

    Un des phénomènes psychologiques dissociatifs le plus simple est le fait de se sentir momentanément détaché de son propre corps, mais l’éventail des manifestation dissociative est beaucoup plus large et peut aisément aller jusqu’à relever de la psychopathologie en terme de gravité et chronicité!!!!

    Si je faisais de la psychiatrie sociale, je dirais que l’on est bel et bien en chemin!!!!

  6. L’augmentation des cas… Vous connaissez l’histoire des gauchers? Tant qu’on obligeait tout le monde à n’utiliser que sa main droite, ils étaient peu nombreux. Mais dès lors qu’on a pu utiliser la main qu’on voulait pour écrire, leur nombre n’a fait qu’augmenter. Pourquoi, selon vous?

    • Je suis moi-même gaucher mais je trouve votre comparaison vraiment futile. Tout le monde (ou presque) possède deux bras et deux mains et il est donc normal qu’il y a beaucoup de gauchers. Aucun rapport avec la dysphorie de genre qui est un phénomène exceptionnel.

  7. Merci M. Lisée pour ces informations, en particulier celles sur les implications légales de l’opposition à l’idéologie de l’identité de genre. Je me demande toujours quelle est la position des associations professionnelles québécoise sur le sujet…

  8. Pouquoi un débat public sur cela…on est rendu a construire 4-5 toilettes dans les lieux public pour donner acces a tout le monde possiblement sans frustrer personne pour un besoin tout a fait naturel…Tout le bla bla bla est selon moi la faute des parents par amour pour leur enfants differents ont fait soit des mauvais choix ou manquement de s informer pour transmettre le mieux vivre avec cette difference a leur enfants…

  9. Je suivais d’un œil distrait ce débat sur le transgenrisme en croyant à quelques agités du bocal qui allaient finir par s’essouffler. Depuis l’incident au colloque d’anthropologie j’ai réalisé qu’on avait affaire à un problème sérieux et votre texte m’en apprend encore.

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