Feu notre ami Philippe

Je raconte l’anecdote du point de vue de Philippe Séguin, mort aujourd’hui d’une crise cardiaque. Lorsqu’il se présente, ce jour de 1998, devant la résidence du délégué général du Québec à Paris, il préside le grand parti de droite, le RPR, et s’oppose donc au gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Il vient à la résidence rencontrer Lucien Bouchard. Mais les journalistes québécois le harponnent sur le seuil et lui demandent s’il est d’accord avec le ministre socialiste qui vient de sortir et qui appuie le Québec dans sa querelle de la semaine avec Ottawa.

« Je n’avais pas la moindre idée du dossier en question, nous raconte-t-il, hilare comme c’était souvent son habitude, une fois installé dans son fauteuil.  Je n’ai pas l’habitude d’être d’accord avec les ministres socialistes, continue-t-il, mais puisque vos journalistes disaient qu’il appuyait le Québec, je l’ai fermement soutenu, en espérant qu’il n’ait pas dit trop de conneries ! »

Bon, je ne garantis pas que c’étaient les termes exacts, mais ils reflètent le fond, le ton et le vocabulaire. C’est à peine, ensuite, s’il a laissé Lucien Bouchard lui expliquer de quoi il s’agissait (le ministre français avait permis à une ministre québécoise de participer à une rencontre internationale sur la diversité culturelle, contre le voeu d’Ottawa) tant était évident son soutien inconditionnel au Québec. Plus qu’un allié, Philippe Séguin était un complice. Il nous manquera.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !