Chaque samedi, quelques brefs avis sur mes lectures récentes.
Laferrière: les leçons de l’immigré émérite
Il faut dire le vrai: Mongo, l’immigré camerounais qui débarque à Montréal, ne fait que de fugaces apparitions dans ce livre bricolé par Dany Laferrière pour recycler un certain nombre de chroniques. Je ne lui en fais pas reproche, mais je me dois d’en avertir le lecteur.
Le cœur du livre se trouve dans sa secondes partie, où le Québécois d’adoption de 40 ans décline en 81 leçons « Comment s’infiltrer dans une nouvelle culture ». L’humour d’ici, le tutoiement, le consensus, l’importance du regard, des silences, autant de clés pour comprendre l’homo quebecensus. Les fonctionnaires québécois devraient en remettre une copie à tout candidat à l’immigration pour lecture pendant le vol qui le mène chez nous.
C’est du Laferrière, alors c’est à la fois profond et léger, bien vu et vu de coin, sage et rebelle. En un mot: savoureux.
Akos le Hongro-québécois: l’évadé du multiculturalisme
Ça n’arrête pas d’être bon. Épisode après épisode. Court chapitre après court chapitre. Akos Verboczy prend le Québécois-de-souche-en-nous par la main et lui fait vivre le périple de l’allophone atterrissant dans les années 1970 du côté Ouest de la rue Saint-Laurent (Ouest même de Côte-des-Neiges) et qui découvre la réalité québécoise depuis le monde allo-anglo-montréalais.
Contrairement à Mango, le Camerounais francophone instruit par l’Haïtien d’origine Lafferrière et qui plonge dans les bizarreries de la majorité, Akos-le-Hongrois-d’origine, lui, tombe dans une école de la loi 101 où il ne croisera qu’un élève de-souche (et seulement pour une brève période). Il baignera pendant toute son adolescence dans cet univers parallèle que constitue le Canada-Multiculturel-en-Québec dont on ne soupçonne pas l’existence quelques rues plus loin.
Qu’il ait réussi, parce qu’il maîtrisait mieux le français que l’anglais, à s’identifier aux combats de la majorité, puis à joindre le mouvement souverainiste, se hissant jusqu’au bureau de la ministre péquiste Diane de Courcy est, en soi, un tour de force. Une rhapsodie.
(Pour ceux qui les auraient manquées, je récapitule les deux épisodes précédents de cette chronique:)
On peut commander Rhapsodie ici.
Recensions du 12 février
Lire: Monsieur par VLB et un non-docteur ausculte notre système de santé
Victor-Lévy Beaulieu est un grand admirateur de Jacques Parizeau. Mais il a choisi de ne pas assister à ses funérailles. Dans ce livre qu’il présente comme la manifestation de son « Recueillement« , il entrelace ses souvenirs et réflexions avec son travail quotidien à sa ferme, notamment son combat pour sauver d’une mort probable sa petite jument Marie-Loupe.
Le talent de conteur de Beaulieu, la richesse de sa langue ancrée dans le terroir, lui permettent de relever cet étonnant défi. Il parle beaucoup du père de Monsieur Parizeau, de ses deux épouses, puis du grand homme lui-même qu’il a finalement très peu connu. On sort de cette lecture comme si on s’était, avec l’auteur, recueilli au chevet du regretté disparu.
On peut commander Recueillement ici.
Pour ceux qui s’intéressent aux débats en cours sur la réforme du système de santé québécois, ce livre apportera beaucoup. David Levine a gravi les échelons en dirigeant successivement un CLSC, un hôpital local (Verdun) un grand hôpital universitaire (Notre-Dame) la fusion d’un méga-hôpital (Ottawa) puis l’Agence de la santé de Montréal, sans compter un bref séjour comme ministre délégué à la santé. Il en tire un récit riche en leçons de quelqu’un qui a vécu le système de l’intérieur.
Le livre est assez récent pour que Levine pose un regard mesuré mais sévère sur les réformes en cours du Dr Barrette (il pense qu’elle va étouffer l’innovation), fait la liste des écueils et propose des solutions. Une contribution salutaire.
Recensions du 5 février :
Livres/roman:
L’affaire Myositis. Ce livre de mon ancien collègue et toujours ami Luc Chartrand prend parfois les allures de la série « 24 », avec poursuites et suspense.
L’intrigue plonge dans le conflit israélo-palestinien contemporain et Chartrand trouve des gentils et des méchants dans chaque camp. Sauf un: le lobby pro-Israélien du Canada, présenté ici dans des habits accablants.
Il est vrai que Chartrand tire sa colère de la destruction de l’organisation montréalaise Droits et Démocratie par le gouvernement Harper et ses amis pro-israéliens.
On peut commander Myositis ici.
Livres/essais: lectures libérales
Enfin, des Libéraux du Québec écrivent ! Je les ai lus en rafale ces derniers mois: John Parisella, trop poli pour révéler quoique ce soit de croustillant; John Ciaccia, très disert sur les questions autochtones sauf… Oka !; Monique Forget, divertissante mais impénitente sur sa démission programmée peu après sa réélection; Claude Trudel, l’ancien conseiller de Bourassa puis maire de Verdun, un homme bien mais pas central à notre histoire. (On trouvera mes brèves critiques de ces livres sur ma page Goodreads.
De tous les mémoires récents produits par des Libéraux, le livre de Raymond Garneau est le plus intéressant, car le plus franc.
Sur la crise d’octobre, il révèle deux faits nouveaux: pourquoi Robert Bourassa craignait-il le comportement de son ministre de la justice Jérôme Choquette ? Parce qu’il lui arrivait de lever un peu trop le coude !
Ensuite, Garneau révèle que la liste des personnes devant être arrêtée lui a été présentée par Bourassa pendant le Conseil des ministres précédant la rafle. Garneau dit avoir toujours regretté ces arrestations. Mais il ne s’y est pas opposé sur le coup.
Celui qui créera le Conseil du Trésor et réformera la gestion administrative de l’État est particulièrement intéressant lorsqu’il raconte ses démêlés avec Jean Drapeau pendant le fiasco de la préparation des Olympiques de 1976. Il n’est pas tendre avec Claude Ryan, qui fut son adversaire pendant la course au leadership de 1977 et qui l’a ostracisé par la suite.
Le lecteur indépendantiste sera un peu gêné par les envolée anti-nationalistes primaires de Garneau, pour lequel le clergé oppressant de la grande noirceur, Duplessis, Lévesque et Parizeau ne font qu’un ! Comme quoi il n’a acquis aucun recul sur ce point.
Mais je ne lui en veux pas. D’abord cela nous ouvre une fenêtre sur les limites de cette façon de penser, mais par ailleurs ça permet d’apprendre enfin des choses sur les entrailles des gouvernement libéraux. Une bonne autobiographie.
On peut commander l’ouvrage ici.
Quelle initiative initiative intéressante prise par JFL relativement à ses lectures. Comme les décideurs politiques auraient intérêt à s’inspirer de son blogue et de la liste de leurs auteurs préférés. Cette démarche si elle était rendue publique nous permettrait de mieux les connaître. Le plus surprenant c’est que plusieurs d’entre-eux à l’instar de Stephen Harper sont de piètres lecteurs.