Le suspense était insoutenable, depuis la sortie du Maclean’s anti-Bonhomme. Mais qui était donc la seconde province la plus corrompue après le Québec — qui, comme chacun sait maintenant est « dans une ligue à part » ? Et quel est l’écart qui sépare le champion — nous — de la médaille d’argent?
Enfin, la réponse est dévoilée: La Colombie-Britannique s’installe fermement au deuxième rang. Le bronze va à l’Ontario. Qui le dit ? Les Britanno-colombiens et les Ontariens eux-mêmes dans un sondage Angus Reid commandité par Maclean’s et rendu-pas-suffisamment-public-à-mon-goût ce samedi 2 octobre.
Interrogés sur leur niveau d’inquiétude envers la corruption dans leur propre province, les répondants (très ou modérément inquiets) se répartissent comme suit:
68 % Québec
61% Colombie-Britannique
56% Ontario
46% Provinces Atlantiques
37% Alberta
33% Prairies
Alors, c’est clair ? (Incroyable, au Québec, 32% ne sont pas très ou modérément inquiets ! Il y a même 7% pas inquiets du tout ! La famille Tomassi-Charest élargie sans doute…)
Maclean’s a ensuite demandé à tous les Canadiens — qui étaient peut-être depuis quelques jours informés qu’une province en particulier était plus corrompue que les autres — de nous dire s’ils pensaient qu’une province en particulier était plus corrompue que les autres. (C’est la boucle de communication perfectionnée par Fox News. Fox vous dit quoi penser. Puis vous demande ce que vous pensez. Puis rapporte que vous pensez comme Fox.)
Mais il y a de la résistance:
58% des Québécois pensent que les politiciens
les moins éthiques sont au Québec
57% des citoyens de Colombie-Britannique pensent
qu’ils sont chez plutôt chez eux.
57% des Albertains pensent que les moins éthiques
sont… au Québec (45% les voient en Alberta)
56% des citoyens des provinces Atlantiques
les identifient aussi chez les Québécois
46% des Ontariens croient aussi qu’ils sont au Québec,
mais 43% les voient en Ontario. C’est chaud !
45% des habitants des Prairies votent
aussi pour les Québécois.
La science de la propagande
Il serait utile, pour l’analyse du phénomène de la propagande moderne, d’avoir une version de ce sondage réalisé une semaine avant le numéro spécial hypermédiatisé de Maclean’s. Mais la science restera à jamais ignorante de l’effet Maclean’s sur notre réputation canadienne.
Plus loin dans le sondage, Angus Reid propose plusieurs explications à la corruption québécoise. Et on voit que Maclean’s a contribué à convaincre 22% des Canadiens (et des Québécois) que « la corruption politique au Québec est un symptôme d’attitudes publiques étendues et ne peut être combattue seulement par des lois« . Bref une vraie tare.
Le quart des Canadiens — et 41% des Québécois — croient plutôt que la corruption est un problème « systémique » dont on peut venir à bout par des réformes. Un autre quart estiment que la corruption québécoise se limitent à « quelques pommes pourries » qu’il faut gérer au cas par cas.
Une autre question, polluée aussi par la Cover de Maclean’s, nous donne cependant une indication sur l’opinion qu’ont les Québécois de la corruption canadienne.
On demande à tous de nous dire si les politiciens Québécois sont plus ou moins éthiques que ceux des autres provinces.
44% des répondants du Rest of Canada (selon ma règle de trois) estiment que les politiciens du Québec sont moins éthiques que les leurs — une idée bien enracinée chez les Albertains (55%) et dans les provinces Atlantiques (57%).
Mais les Québécois ne sont pas de cet avis. Durs avec leurs propres politiciens, ils ne sont pas prêts à les considérer pires que dans les ROC. Seulement 29% les juges « moins éthiques » et 47% les jugent « aussi éthiques’ » que les autres. Lucides, ils ne sont heureusement que 2% à les juger « plus éthiques ».
Du moins, pour le moment.
Un dernier mot sur ce sondage. Les questions sont posées au présent. Les répondants se prononcent donc sur la situation actuelle. Les articles du Maclean’s étaient nettement plus ambitieux. Ils affirment que la structure politique québécoise est historiquement et pathologiquement plus corrompue que les autres.
Si cette question avait été posée aux Québécois, ces derniers auraient montré davantage de crocs, j’en suis certain.