Parisella vs Bush: «Mission impossible»

W a eu ce lapsus, à la fin de sa « conversation » avec John Parisella, au Reine Elisabeth ce jeudi. Interrogé sur ce qu’il regrettait dans son action présidentielle, l’ex-président a parlé de la bannière « Mission accomplie » affichée sur le destroyer USS Abraham Lincoln, le premier mai 2003, soit alors que l’invasion irakienne était terminée mais que la guerre civile ne faisait que commencer. Mais W s’est trompé. Il a parlé de « Mission impossible », reflétant plus exactement le degré de difficulté de son intervention irakienne. Mais mes pensées sont allées à son interviewer, John Parisella.

D’abord, l’exercice était périlleux. D’après ce qu’a rapporté La Presse, Parisella devait rester dans un corridor défini par les organisateurs. Ensuite, il lui fallait être courtois mais crédible, ne pas débattre avec l’invité mais ne pas être obséquieux. Il faut aussi savoir de Parisella, que je connais bien, qu’il déteste la confrontation, en plus de ne pas être rompu à la technique de l’entrevue. Finalement, entre le moment où il a accepté la tâche et celui de l’accomplir, il est devenu Délégué général désigné à New York (il entre en fonction en novembre), ce qui lui impose un devoir de réserve envers une famille politique républicaine qu’il devra, lui le démocrate avoué, assidument fréquenter. Finalement Bush, qui faisait d’abord un discours, venait de livrer une performance très divertissante et de mettre une partie de la foule de son côté (de là ou j’étais, je dirais que le quart des 1400 personnes présentent n’applaudissaient jamais W). Bref, comment John s’en est-il tiré ?

Je lui donne un B-. Contrairement à David Frost face à Nixon, rejetant le script prévu et posant d’abord la question la plus difficile, Parisella a commencé avec plusieurs balles molles qui ont grugé un temps précieux. Jamais il n’a abordé la question de la torture, ce pourquoi il perd tout un point. Se décidant d’aborder la question irakienne, John s’y est pris avec une telle délicatesse que Bush lui a fait de la main un signe qu’on pourrait traduire par « accouche! ». Il était pressé de donner sa version des faits. Parisella a ensuite vaillamment voulu contredire Bush plusieurs fois, commençant ses phrases par « but ». Bush a commencé à s’impatienter lui reprochant, avec humour mais n’en pensant pas moins, de commencer toutes ses questions par « but ». « Essayez de dire ‘et’ pour une fois » a dit l’ex-président. Parisella, toujours flegmatique, a voulu contester un argument présidentiel, affirmant vouloir répliquer (rebut) sur un point.  « Ai-je entendu rebuttal » a ironisé Bush, mécontent que la conversation tourne au débat et identifiant — correctement — son interviewer comme un partisan démocrate.

Le futur délégué général a terminé en posant quelques questions de bilan — de quoi êtes vous le plus fier ? que regrettez vous le plus ? La conversation arrivait à sa conclusion logique. Mais John semblait prendre goût à son rôle et avait toujours une question de plus. Alors Bush a pris les choses en main et a mis fin à l’échange, remerciant la foule et saluant de la main.

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !