N’étant pas correspondant parlementaire, je ne puis prétendre aux analyses fines que les plumes d’Ottawa (ma collègue blogueuse Chantal Hebert, ici) ou de Québec (Michel David, du Devoir, qui a lancé la mode des bulletins de fin de session) peuvent offrir.
De plus, puisque la transparence totale me force à avouer de nombreuses amitiés au sein du caucus péquiste, je ne puis y choisir de favori sans courir le risque que soit dramatiquement réduite ma moisson de cartes de Noël.
Ces préventions étant faites, je me risquerai, en m’accrochant aux vertus du recul, à accorder cette année deux prix aux parlementaires québécois: Recrue de l’année et (mercredi) Pompier(e) de l’année. Ensuite, (jeudi) je donnerai un prix de groupe, puis (vendredi) tenterai une opinion iconoclaste du premier ministre et de la chef de l’opposition.
Recrue de l’année et joueur s’étant le plus amélioré: Amir Khadir
Autant vous le confier, mes attentes étaient faibles envers Amir Khadir. Le fougueux médecin-candidat de Québec Solidaire avait sauvé la mise du jeune parti il y a 12 mois en remportant la circonscription de Mercier alors qu’au total, son parti affichait une chute du nombre de ses électeurs, contrairement aux deux ‘vieux’ partis qui, eux, en gagnaient.
Connaissant à la fois la propension de M Khadir à donner des leçons et la très grande intolérance de la tribune de la presse envers les prétentieux, je ne prévoyais pas au nouveau député un atterrissage en douceur à Québec. Un premier écho vint du chroniqueur Claude Picher qui, bien qu’idéologiquement incompatible avec Québec Solidaire (et avec moi), reste au civil un homme posé et sympathique. Voici ce qu’il retenait de son premier contact avec le député Khadir, lors du huis-clos du budget, en début d’année:
Il faut que je vous parle de l’entretien que j’ai eu, dans le huis clos budgétaire, avec Amir Khadir. En fait, «entretien», ça ne colle pas. Le député de Québec solidaire parle, parle, parle, parle tout le temps, parle très fort, hurle presque (il a même importuné des collègues pourtant habitués depuis longtemps au brouhaha des huis clos budgétaires). J’ai dû l’interrompre:
«Ça vous dérangerait de me laisser parler?
Au bout de 30 secondes, il me coupe à nouveau la parole pour reprendre sa logorrhée. (…)
Se trouvaient aussi à Québec François Saillant (FRAPRU) et Jean-Yves Desgagnés (Front commun des assistés sociaux), deux habitués des huis clos budgétaires. Deux militants de gauche, tous deux candidats de Québec solidaire. Mais civilisés et parlables. Je me disais à l’issue du huis clos que ce tandem aurait fait, pour QS, une aile parlementaire autrement plus crédible et efficace que le député de Mercier.
Que s’est-il passé ? Je ne sais pas si Khadir a appris la modestie. (« Si en plus j’avais la modestie, disait l’immodeste, je serais parfait ! ») Mais la presse, et l’opinion, ont bien aimé son lancer du soulier sur l’effigie de Bush (ils en auraient fait autant) puis son lancer de l’indignation sur Henri-Paul Rousseau (bis).
Il a réussi à s’approprier un ou deux dossiers, dont celui de la délinquance économique des mines. Puis, coup de génie, il a donné du lest, beaucoup de lest, à son voilier qui tangue toujours à gauche, en devenant le porte-parole crédible et volontaire de l’orthodoxie de la santé publiquen en invitant les Québécois à se vacciner. Il a alors fait le tour de toutes les antennes avec sa compétence de médecin, rassurant et posé, sur LE sujet de l’heure. Il a même entraîné le ministre Bolduc et le critique Drainville à une séance de vaccination publique. Il a ainsi accumulé un capital de crédibilité qu’il pourra aller dépenser, ailleurs, sur les thèmes qui lui sont chers.
Énorme chargement de cerise sur le sunday: le premier décembre, Léger Marketing affichait, dans Le Devoir, le palmarès des députés les plus populaires: 1) Pierre Curzi 2) Pauline Marois 3) Amir Khadir 4) Jean Charest.
Saperlipopette ! Pire: Chez les péquistes, il est le 4e le plus populaire, derrière Curzi, Marois et Louise Beaudoin. L’intention de vote de Québec Solidaire a presque doublé (7% plutôt que 3,8% aux urnes il y a un an). Amir Khadir n’est vu comme meilleur premier ministre que par 8% de l’électorat mais, hey !, c’est 1% de plus que son parti!
Une très très bonne année pour la recrue de l’année.
(Affiche: Québec Solidaire)