Impasses ? Par ici les sorties !

Il y a des choses qui devraient pouvoir se régler rapidement, il me semble. Comme je suis toujours disposé à rendre service, voici des pistes pour sortir de quelques impasses.

La carte électorale. Tel un éternel rappel de votre dentiste, toutes les deux élections, la Commission de la représentation électorale insiste : notre démographie est en guerre avec notre démocratie. Le poids électoral du citoyen québécois dépend de son code postal. S’il habite aux Îles-de-la-Madeleine, l’électeur est 4,5 fois plus puissant que le citoyen moyen. Autrement dit, il faut 4,5 fois moins d’électeurs pour choisir un député qu’ailleurs.

À l’inverse, l’électeur de Brome-Missisquoi ne vaut que 67 % de l’électeur moyen. Autrement dit, il faut qu’il donne son 133 % pour élire un député. Flexible, la commission n’est pas à un point de pourcentage près. Elle accepte qu’une circonscription ait jusqu’à 25 % d’électeurs de plus ou de moins que la moyenne avant d’intervenir. Mais c’est déjà énorme ! Cela signifie qu’elle trouve normal d’avoir des citoyens à 75 % et des citoyens à 125 % ! Au-delà de ce corridor de tolérance, elle recense 14 circonscriptions sur 125 qui dépassent ses bornes. Davantage qu’une sur 10 !

D’où sa proposition de fusionner, de redécouper, de bousculer les frontières. Ce qui provoque le tollé désormais rituel. Mais vous n’y pensez pas ! Le député de région devra désormais arpenter un territoire grand comme la Belgique et les Pays-Bas réunis. Mais c’est dingue ! Vous allez démanteler une communauté d’appartenance, diviser en deux un quartier à forte identité !

Dans ce débat, tout le monde a raison. C’est donc insoluble si on n’accepte pas de penser en dehors de la boîte de scrutin. D’autant que le changement fréquent des limites électorales nuit au sentiment d’appartenance de l’électeur envers son patelin électoral et son député. La démocratie suppose la stabilité.

L’Assemblée nationale vient de découvrir le vote électronique. L’équipement est donc en place. Utilisons-le à bon escient. Posons le principe qu’il y a 125 votes à l’Assemblée nationale. Mais modulons le vote de chaque député en fonction du nombre d’électeurs de sa circonscription. Les Îles-de-la-Madeleine disposeraient pour toujours d’un député à temps plein pour moins de 12 000 personnes, on le comprend et c’est tant mieux. Mais au moment du vote, le député des Îles vaudrait 0,22 vote. Ce ne serait que justice électorale.

Si on estime que la circonscription de Brome-Missisquoi a des limites dictées par l’histoire, la culture et la démographie, maintenons-la intacte, mais donnons à son député un vote correspondant au poids qu’il représente : 1,33. Acceptons de même que l’Abitibi, le Nord-du-Québec et la Gaspésie soient découpés en territoires qui permettent à un député de s’y déplacer en voiture, pas en avion, et que leurs citoyens disposent d’un représentant à temps plein, mais que leur poids démocratique à l’Assemblée soit en phase avec leur poids démographique.

Une telle réforme permettrait à la commission de repenser la carte. Est-elle le plus fidèle possible aux identités locales et régionales ? Coïncident-elles avec des territoires municipaux, administratifs, de municipalités régionales de comté et de centres de services scolaires ? Plus c’est oui, mieux ce serait pour le citoyen et son ancrage local. Redécoupons les 125 coins de pays selon ces critères si on le juge opportun, et donnons à la carte une stabilité à long terme qui ne nécessiterait des modifications que dans de rares cas de fort flux démographique. Les enfants apprennent les fractions à sept ans. Il me semble que les députés pourront les maîtriser.

La cession de bail. La question n’est pas de savoir s’il faut maintenir ou abolir la cession de bail. La question est de savoir pourquoi un mécanisme qui devrait être peu utilisé est devenu si populaire. Réponse : parce que la hausse imposée lors du changement de locataire est souvent excessive. C’est donc à ce problème qu’il faut s’attaquer.

En ce moment, lorsqu’un propriétaire souhaite augmenter le loyer davantage que la recommandation de la Régie du logement, le locataire peut refuser. Le propriétaire doit alors convaincre la Régie que sa demande est justifiée. Sinon — et en attendant —, c’est le montant précédent qui s’applique. Pourquoi ne pas simplement appliquer le même principe lorsque le locataire change ? Modifions la loi pour indiquer que si le propriétaire impose à un nouveau locataire une augmentation qui dépasse la recommandation de la Régie, le nouveau locataire aura trois mois pour contester la hausse. Il pourra constater cette hausse en consultant le registre national en ligne, qui devrait être créé.

Après tout, en ce moment, n’importe qui peut vérifier en ligne le rôle d’évaluation et le montant de taxes versés par n’importe quel propriétaire, informations qui changent chaque année. À condition de ne pas confier ce dossier à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) ou à Éric Caire, cela devrait pouvoir se faire. Qu’on indique dans la loi qu’à la réception de la contestation et jusqu’à la décision de la Régie, c’est l’ancien loyer qui s’applique. Et constatons le freinage que cette mesure induit sur la hausse des loyers.

Meta et Google. Le blocage fait mal aux médias québécois et canadiens, sans faire reculer d’un cent les profits des plateformes. L’inaction d’Ottawa est incompréhensible. L’Europe vient de modifier ses législations pour imposer des obligations aux grandes plateformes sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires ou, ultimement, à la suspension de leurs activités. Qu’est-ce qui empêche Ottawa d’imposer légalement aux grandes plateformes, comme condition d’exercice au Canada, de relayer les liens des médias ? Rien.

Et si Ottawa reste catatonique sur la question, qu’est-ce qui empêche le Québec de le faire, lui qui a, unilatéralement, taxé Netflix, Amazon et autres depuis maintenant sept ans, sans que le ciel numérique ne lui tombe sur la tête ?

Alors, de grâce, un peu de nerf !

(Ce texte a d’abord été publié dans Le Devoir.)

2 avis sur « Impasses ? Par ici les sorties ! »

  1. L’idée de donner aux votes des députés un poids proportionnel aux nombres d’électeurs qu’ils représentent est excellente. Ce serait encore mieux si on y associait une pondération selon le pourcentage de votes reçu par la formation politique de chaque député. Cela permettrait la représentation proportionnelle.

  2. Monsieur,
    Il est déjà possible de contester le loyer d’un bail que l’on vient de signer. C’est pourquoi le bail inclut la mention obligatoire du loyer le plus bas payé l’année précédente. Mais plusieurs bailleurs ne remplissent pas cette case, ou, carrément, mentent. La loi donne un mois au locataire pour agir, et davantage s’il découvre que le proprio a menti. Mais peu de nouveaux locataires agissent, soit par méconnaissance, soit par peur d’envenimer les relations avec le nouveaux propriétaire. Il est si facile pour un proprio de se venger. On rappelle aussi aux locataires que, s’il va au TAL, son nom sera pour toujours lisible dans les registres publics, et que cela pourrait nuire à ses chances d’obtenir un logement, plus tard.

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