Solidarité obligatoire

Enfants du primaire à Vancouver dans une marche pour la fierté gaie.

Parmi les mille raisons qui me rendent fier d’être Québécois figure notre tolérance précoce, puis notre défense résolue, des homosexuels. Ne dit-on pas que, sans nous, le Canada aurait été beaucoup plus lent à légaliser le mariage pour tous ?

Cette particularité québécoise ressortait d’un monologue prononcé lors d’un gala Just For Laughs par l’humoriste américaine Sarah Silverman. Je cite de mémoire : « Aux États-Unis, on utilise des codes pour désigner nos quartiers gais. Le “District Castro” [San Francisco] ou “Greenwich” [New York]. Pourquoi ? Pour que les rednecks, qui sont des imbéciles, ne sachent pas où les trouver. Mais vous, votre village gai s’appelle “le village gai” ! Vous faites exprès ou quoi ? »

L’adhésion des Québécois à la cause gaie fut progressive, dans la société, la culture, les familles. Un processus d’acclimatation, d’adhésion, de normalisation. Mais il nous vient désormais de notre environnement nord-américain des signaux dont il faut se préoccuper. Il s’agit de l’injonction de solidarité. Il ne suffit pas d’accepter, mais d’afficher obligatoirement son appui à la cause. Parfois sous peine de sanctions.

On célèbre à Montréal la fierté gaie en août, mais cette année, aux États-Unis et au Canada, la tradition de faire de juin le Mois de la fierté gaie a pris de l’ampleur, notamment dans les écoles. En Ontario, le ministre (conservateur) de l’Éducation a produit une directive affirmant qu’il « incombe à tous les conseils scolaires de veiller à ce que tous les élèves — plus particulièrement les élèves 2SLGBTQ+ — se sentent soutenus, reflétés dans leurs écoles », ce qui est admirable. Mais il a ajouté : « Cela inclut la célébration du Mois de la fierté. »

La nuance est cruciale entre l’acceptation et la promotion, entre l’éducation et le prosélytisme. Nos chartes protègent la « liberté de conscience », ce qui inclut le droit de ne pas être d’accord avec la norme, pour peu qu’on ne commette aucun geste illégal. Sur les bancs d’école, on est certes tenus d’apprendre la norme et de la respecter. Mais est-on obligé de la célébrer ? Si la fête nationale du Québec tombait le premier juin, obligerait-on tous les enfants à porter des macarons fleurdelisés et de marcher dans les rues, drapeau en mains ? C’est ce qu’on a demandé à des enfants du primaire de Vancouver, l’an dernier, pour le Mois de la fierté.

On a assisté cette année, en Ontario, à un refus massif de parents musulmans de laisser leurs enfants participer à ces célébrations. Ce qui a notamment valu à ceux d’Ottawa une directive stricte des autorités scolaires interdisant le droit de retrait aux enfants. « Les droits de la personne ne sont pas ouverts au débat ou à la participation sélective » est-il écrit. En Nouvelle-Écosse, l’enregistrement d’une enseignante sermonnant un étudiant musulman qui refusait de participer aux activités de la Pride a fait grand bruit. Elle y affirme que « nous croyons que les gens peuvent épouser qui ils veulent, c’est dans la loi, et si tu ne penses pas que ça devrait être la loi, tu ne peux pas être Canadien. Tu n’as pas ta place ici, et je suis sérieuse ».

L’imam Sikander Hashmi rapporte dans le National Post que « les élèves d’une école secondaire d’Ottawa ont déclaré que le personnel gardait les portes lors d’une assemblée du Mois de la fierté pour s’assurer que personne ne partait, tandis que d’autres patrouillaient dans les couloirs et qu’un autre vérifiait même le stationnement pour trouver les élèves qui refusaient d’y assister. Un parent a rapporté que son enfant de 3e année dans une autre école s’était fait dire qu’il ne pouvait pas aller en récréation à moins qu’il ne dessine un arc-en-ciel. Des parents m’ont dit que d’autres élèves avaient été menacés d’expulsion s’ils ne participaient pas aux activités du Mois de la fierté ».

L’imam est particulièrement remonté contre un livret conçu spécialement pour ses jeunes ouailles intitulé « Je suis musulman mais je ne suis peut-être pas hétéro ». Pas moins du tiers des élèves du primaire de la ville de London, à forte concentration musulmane, se sont absentés durant une journée consacrée à la dénonciation de l’homophobie en mai. Puis, on a vu un petit groupe de mères musulmanes encourager leurs enfants à piétiner de petits drapeaux arc-en-ciel. Une scène qu’on peut résumer en deux mots : haine et obscurantisme.

Chers lecteurs, vous me savez très critique des religions, notamment pour leur misogynie et leur homophobie. Je suis à la fois favorable à l’arrêt des subventions pour les écoles à vocation religieuse et je tiens, pour le bien des enfants, à ce qu’aucun ne soit exempté de l’enseignement commun. Cependant, on ne peut vivre ensemble sans respect de la liberté de conscience. Je récuse donc l’embrigadement dans des causes, fussent-elles les miennes. Comme la religion, le militantisme doit s’afficher et se pratiquer à ses heures, pas à l’école ou dans l’État. Le refus d’appliquer ce principe nourrit puissamment le ressac conservateur dont nous sommes témoins et qui arrivera sous peu dans une école près de chez vous.

En fait, cela y est déjà. Au Québec, des comités formés d’élèves et soutenus par des profs et des administrateurs volontaires se donnent le mandat de faire appliquer la théorie du genre, dont je parlais dans « Le sexe de nos anges », dans l’école en entier. Les demandes pour des toilettes non binaires au primaire et au secondaire sont courantes et il arrive que des surveillantes plus pointilleuses sur le respect de l’intimité des unes et des autres se fassent « traiter de transphobes par des enfants de 12 ans », me rapporte un enseignant.

Il existe dans plusieurs de nos écoles des AGIS, pour Alliance genres, identités, sexualités. Leur création est recommandée par le gouvernement canadien. Elles ont pour but de transformer l’école entière en un « lieu sûr ». Les trousses pédagogiques mises à la disposition par l’organisme AGIS reprennent les thèmes et le vocabulaire d’usage sur la théorie du genre. C’est chouette : les étudiants intéressés à mettre un comité sur pied peuvent facilement recevoir une subvention de 500 $. Desjardins fait d’ailleurs partie des commanditaires de l’initiative.

J’ai sous les yeux une lettre envoyée ce printemps aux parents par un directeur d’école secondaire de Laval. Il les invite à soutenir l’initiative visant à « susciter la solidarité et mobiliser les élèves et le personnel scolaire à devenir des personnes alliées ». La Fédération autonome de l’enseignement organise un « défi des personnes alliées » pour ses syndicats enseignants qui déploieront dans leurs écoles le drapeau arc-en-ciel, des macarons, des kiosques de promotion. Dans les deux cas, nous ne sommes pas en présence du langage de l’éducation, mais de celui du militantisme.

(Ce texte a d’abord été publié dans Le Devoir.)

2 avis sur « Solidarité obligatoire »

  1. Parlant de militantisme de mauvais aloi. N’est il pas ironique que cette chronique paraisse alors que le N-B s’attaque aux droits des transgenres, avec l’assentiment du chef du PCC, et la veille d’une décision de la cour suprême des É-U permettant de discriminer la population LGBTQ+ sur une base qui semble avoir été fabriquée de toute pièce.
    https://news.yahoo.com/gay-couple-cited-by-christian-web-designer-who-won-supreme-court-case-may-not-exist-164940986.html
    Il peut y avoir des excès dans la volonté de solidarité mais le pouvoir de nuire aux valeurs auxquelles vous dites souscrire est ailleurs et n’a pas besoin de prétexte pour s’exprimer.

  2. bientôt pour quant vas t ont se réveiller et abolir cette nouvelle (religion ) de mauviette Vrai homme et femme c est le temps de passer aux vrais réponses ils s ont entrain de radicaliser nos enfants !!!

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