Encore des nouvelles des Kebs

Le phénomène que j’ai mis en lumière dans mon texte Identité anti-québécoise suscite un grand nombre de réactions, dont beaucoup de témoignages. Je continue à colliger sur ce blogue les pièces au dossier. Il s’agit d’un tableau impressionniste et rien ne remplacera une enquête complète, que j’appelle de mes voeux. Mais en attendant, le nombre de témoignages impressionnistes impressionne. Je suis évidemment preneur, et relayeur, de contre-exemples.

J’ai livré une première récolte dans Dernières nouvelles des Kebs. Voici maintenant la récolte des jours qui ont suivi. Je demande à chaque interlocuteur s’il souhaite ou non révéler son identité, et cela dépend de la situation de chacun. Sachez donc que les témoignages qui suivent ne sont pas indépendamment corroborés. Certains sont crus. Je ne les ai pas censurés.

Au primaire à Laval:
Un enseignant de Laval : « votre chronique du 24 février 2024 a résonné profondément avec ma propre expérience en tant qu’enseignant au primaire à Laval. Votre analyse de la situation linguistique dans les écoles montréalaises trouve un écho similaire dans notre région, où le français est également en péril, non seulement parmi les élèves mais aussi dans l’attitude de nos directions d’école et des gestionnaires du centre de service scolaire.

Dans mon école, située dans un quartier relativement moins touché par ce phénomène, l’anglais domine, néanmoins, de plus en plus dans les conversations dans les corridors et dans la cour. Ce qui est particulièrement frustrant, ce n’est pas tant la préférence linguistique des élèves, influencés par leur environnement familial et culturel, mais plutôt le refus persistant de nos gestionnaires d’admettre et de traiter ce problème avec la gravité qu’il mérite.

À plusieurs reprises, nous avons tenté d’aborder cette question avec notre direction, soulignant que la langue parlée par les élèves n’était pas leur langue maternelle mais l’anglais, ce qui rendait non valide l’argument qu’on nous servait depuis quelques années selon lequel il est important pour le développement des enfants de parler leur langue maternelle. Malgré cela, nous nous heurtons à un mur de tergiversations et à une réticence à inscrire la promotion active du français dans les documents officiels de l’école. »

Au Collège de Montréal:
La chronique « Identité anti-québécoise » m’a particulièrement interpellé. Je suis de la génération de ceux qui ont « fait le cours classique ». L’institution que j’ai fréquentée, le Collège de Montréal, est prestigieuse, existant maintenant depuis 157 ans. Les années que j’y ai passées comptent parmi les plus belles de ma vie.

Profondément attaché à mon alma mater, j’ai décidé de répondre à l’appel de cette institution de venir parler de ma profession aux étudiants et étudiantes dans le cadre d’une journée des carrières. Pendant trois ans, je suis parti de Gatineau pour venir à Montréal rencontrer ces futurs acteurs de la société de demain. J’essaie toujours de proposer des situations et des anecdotes accrocheuses mais authentiques pour intéresser les étudiants et de leur poser des questions pour stimuler leur participation.

Lors de ma dernière rencontre avec eux et elles, à une question que je leur posais, un étudiant a levé paresseusement la main et m’a répondu… en anglais. Étonné, je me suis néanmoins ressaisi rapidement pour enchaîner : «  …ce qui donne en français… ». Il est passé au français, mais a baragouiné une réponse à peu près incompréhensible.

Ma présentation n’a guère eu de succès, malgré les efforts que j’y avais mis pour les intéresser. J’avais, entre autres, mis en relief les systèmes de pensée de la langue française et de la langue anglaise pour montrer comment chaque langue appréhendait le monde différemment en donnant des exemples à l’appui. La fin de la présentation a coïncidé avec la pause entre les cours, ce que nous appelions dans le temps le « deo gratias ». Alors que je circulais dans les corridors pour revenir au salon des Anciens, plusieurs étudiants et étudiantes assemblés en petits groupes pour la pause discutaient en anglais seulement. Pourtant, cette institution est de langue française.

Mon témoignage n’a rien de dramatique comme tel, mais si vous saviez comme cette situation m’a peiné. J’ai des petits-enfants au primaire et au secondaire, et je me demande bien dans quelle société ils et elles évolueront plus tard. Si de jeunes francophones s’inféodent à la langue anglaise au détriment de leur propre langue, quel est l’avenir du français au Québec? »

Retour sur Régina Assumpta; Un parent
Martin Bureau m’écrit: « Mes deux enfants, maintenant âgés de 19 et 21 ans, sont allés à Regina. Le portrait que vous tracez de l’identité « anti-Kebs », tout à fait exact par ailleurs, s’est sérieusement aggravé dans l’intervalle de 2 années scolaires qui ont séparées le passage de mes enfants. Mais le vecteur principal de ce mépris – quelques fois de la haine malheureusement – m’a semblé provenir d’une forme de prosélytisme religieux, presque militant, ce qui surprend compte tenu de l’âge des zélotes en question.

Deux groupes à Regina se démarquaient clairement: les chrétiens haïtiens et les algériens musulmans, ouvertement et fort complaisamment  homophobes, racistes, et misogynes. (Les propos que mes enfants me rapportaient donnaient froid dans le dos) Quoique relativement limités en nombre, ces deux groupes militaient fermes. Mon fils, celui qui est passé en deuxième donc, a fortement été influencé par cette culture. Comment pourrait-il en être autrement quand un adolescent  souhaite s’intégrer dans son milieu composé dans une proportion de 32 « non-Kebs » sur 34 élèves (c’était bien le cas). Pas trop « québécois » mon fils…

Ma femme et moi avions choisi Regina pour l’excellence de son programme académique et pour son caractère multiculturel, mais nous n’avions pas compris à quel point ce milieu était devenu strictement immigrant (32 sur 34…). Bien sûr du nombre on comptait des Québécois issus de deuxième ou troisième génération d’immigrants (italiens, libanais, et aussi haïtiens et algériens, etc.) qui ne s’affichaient pas comme le groupe que je décrivais précédemment, mais ils ne se sentaient pas plus québécois pour autant… si nous avions eu conscience de ce déséquilibre culte, je pense que nous aurions opté pour Mont Saint-Louis, qui curieusement est beaucoup et indéniablement plus « québécois ».

J’en conclus donc que c’est sur le plan des valeurs de notre société qu’on se rejoint finalement (tolérance, diversité, inclusion, équité, justice, …) mais j’ai de sérieux doutes sur le caractère québécois de notre société pour l’avenir. Seule la langue me semble-t-il a de bonnes chances de rester…

Au Pensionnat Saint-Nom de Marie
Un parent: « J’étais comme vous lorsque j’entendais ma fille se plaindre du recours à l’usage intensif de l’anglais dans les corridors du Pensionnat St-Nom-de-Marie: je n’y croyais pas trop. Je trouvais exagéré aussi le sentiment d’isolement qu’elle pouvait ressentir dans son école: cela devait être attribuable à d’autres choses. Je ne pouvais pas croire non plus qu’elle se fasse «gentiment» intimer l’ordre de parler anglais. En effet,  j’étais comme vous, je me cachais la tête dans le sable. Puis un jour, j’ai sursauté: ma fille me rapporta une histoire se terminant avec l’insulte raciste « the basic white girl», à dire avec dédain et mépris. Ce jour-là, je me suis sorti la tête du sable.

J’ai fait lire votre chronique à ma fille. Bien qu’elle juge la situation bien moins pire que celle que vous décrivez à Regina Assumpta, elle n’en partage pas moins les conclusions: dénigrement du Québec, de sa culture, et de sa langue française, imposition de l’anglais, mépris et mise à l’écart des francophones. 

Je peux témoigner que la direction de l’établissement est extrêmement préoccupée par ce phénomène.Elle essaie tant bien que mal de faire appliquer le règlement voulant l’usage du français dans les corridors, mais sans grand succès. Elle avoue candidement que les directions d’école dans le même secteur ont tout simplement abandonné le combat. Avouez qu’il y a quelque chose d’extrêmement révoltant de devoir se battre pour vivre en français dans une institution francophone.

Nous récoltons donc les fruits amers de la défaite référendaire, du règne sans partage des fédéralistes, de la trahison de la gauche, de l’auto-dénigrement de la droite, des politiques migratoires désastreuses et de la fausse sécurité de la loi 101. Ça vous le savez mieux que moi. Mais le constat le plus dur, c’est notre mise en minorité: il faudra désormais réfléchir en tant que groupe ethnique. Il faudra se regrouper et en défendre les membres contre ce qui l’on portera des attaques racistes et xénophobes de plus en plus décomplexées. Derrière ses jeunes filles, il y a des parents. Et il y a aussi des communautés qui semblent venir ici pour régner sans partage et prendre le visage du conquérant.

L’important est d’abord de libérer la parole ce que vous avez fait. De sortir sa tête du sable et de bien voir ce qui nous arrive. Puis de relever la tête et de commencer à répondre. Nous sortirons bien un jour de notre torpeur référendaire. Nous le savons, nous nous ferons traiter de racistes à gauche. Qu’à cela ne tienne. On rira de nous à droite. Qu’à cela ne tienne.

Car je ne laisserai personne traiter ma fille de pute ou de traînée. Je n’ai pas l’intention de rester muet devant les insultes sur mon histoire, ma langue ou ma culture, celles-là, on les a trop entendues. Et surtout, je ne laisserai personne cracher sur mon nom.».

Au Collège Saint-Louis, d’un témoin
« L’activité débute et tout le monde parlait anglais. Le prof rappelait aux élèves, de parler français. Les élèves parlaient quelques minutes en français, puis ça recommençait à parler en anglais. Le prof faisait alors un autre rappel: « On parle français, les amis. »

Le dédain pour le français était palpable. On sentait que l’anglais était la langue de choix, celle utilisée pour maintenir son statut social auprès des autres. Je comprenais que les élèves avaient l’impression qu’on leur forçait le français dans la gorge, qu’ils subissaient notre langue plutôt qu’ils la parlaient.

Le français semble pour eux un habit qu’il faut porter pour plaire aux adultes et non un costume d’Adam qu’on porte en tout temps. Ça me mettait profondément mal à l’aise et mon coeur criait Adieu, Québec. Des scènes comme celles que vous avez mentionnées dans votre chronique, j’en vois partout moi aussi. 

À l’école Saint-Luc, où ça ne date pas d’hier
« Le phénomène que vous décrivez dans votre article n’est pas nouveau. J’ai vécu exactement la même chose à la fin des années 1980 lorsque j’étais inscrit à l’École secondaire Saint-Luc, une école publique à Montréal alors reconnue pour être particulièrement multiethnique. Les francophones (dont votre humble serviteur) y étaient minoritaires. L’anglais était si présent dans les corridors, la cour d’école et même des classes que j’avais organisé une sorte de mouvement pour promouvoir la langue… française.

Dans cette école, la culture québécoise était tenue pour ringarde. Lors d’un spectacle de fin d’année, une chanson de Félix Leclerc avait été huée. En novembre-décembre 1988, l’équipe de l’émission Le Point, de la télévision de Radio-Canada, a réalisé une série de reportages sur la précarité du français à l’École secondaire Saint-Luc.


Plus de 35 années ont passé et la situation n’a pas fondamentalement changé.

À l’école Meimonide
Il s’agit d’un des fleurons de la communauté sépharade de Montréal, un établissement scolaire privé francophone qui offre des services éducatifs au préscolaire, au primaire et au secondaire.

Louis Trudel, y enseignait le français en 2121. « Bien que les élèves de cette école soient des francophones nés ici qui parlent français entre eux, personne n’a d’accent québécois ni ne connaît les bases de la culture québécoise (un seul exemple : aucun des 20 élèves n’était en mesure de m’expliquer le mot « niaiser »), ce qui faisait d’autant ressortir mon accent (si peu prononcé par ailleurs qu’on me demande parfois si je suis français). 

Un jour où le rabbin de l’école était en classe, dans mon cours de français de sixième année, un élève s’est moqué de mon accent pendant que j’avais le dos tourné. Le rabbin n’a rien dit, ni sur-le-champ, ni quand j’ai demandé à la cantonade qui s’était moqué de moi, ni après le discours que j’ai fait sur la tolérance et la richesse de la diversité en matière de religion, d’apparence, d’accent, etc. Sachant que je n’avais pas le soutien de la direction dans ce microcosme toxique, j’ai démissionné de mon poste.

Classes d’accueil de l’Est de Montréal
Hélène Cadotte: « Je suis éducatrice spécialisée dans une école de l’est de Montréal où nous avons plusieurs classes d’accueil. Je reconnais ce que vous décrivez dans votre chronique mais j’aimerais rajouter un aspect que vous n’abordez pas: une tendance grandissante des parents à faire de l’intimidation au personnel de l’école. En effet, nous sommes de plus en plus confronté à des situations où le ton monte rapidement, les courriels sont désagréables et les menaces de porter plaintes toujours très proches, sans compter les insultes.

Je fais le constat que cette problématique nous arrive surtout de la part des parents immigrants même si cela arrive aussi avec des parents néo-québécois. J’avoue que cette situation alourdie beaucoup la tâche et que les interventions finissent par en être teintées. Il y a certainement toute une réflexion à faire sur notre tolérance et notre attitude face à l’immigration en générale. Ce n’est pas être raciste d’exiger d’être respectée. »

Dans des écoles de l’ex Commission scolaire Marguerite Bourgeois
« Il y a 32-33 ans, quand j’enseignais à la commission scolaire Marguerite-Bourgeois, secteur francophone, mon école n’accueillait que des élèves protestants ou d’autres religions que catholiques. Il y a avait déjà des règlements pour obliger les élèves à parler français dans les corridors et dans les classes. Le phénomène ne date pas d’hier. Cependant. le «Québec bashing» ne se manifestait pas aussi ouvertement et de façon décomplexée comme aujourd’hui.

Mais déjà, les enfants d’immigrants et les jeunes immigrants dénigraient la «culture québécoise». Pour les Grecs, leur civilisation était un des phares historiques du monde. Pour les gens venant du monde arabe, certains avaient connu l’éducation française qui estimaient supérieure à la québécoise. il était ironique de les voir placer la culture du colonisateur européen sur un piédestal…

Cette attitude est plus ouverte aujourd’hui. Par moment, on entend des gens de différentes origines rire de la culture québécoise, estimer la leur supérieure et adopter une attitude raciste en parlant même de «sales Blancs».

Ègalement, ce que je remarque, ce sont des élèves qui, par conviction religieuse, refusent d’écouter quand on parle des droits des femmes ou de diversité sexuelle. Elles se bouchent les oreilles et se voilent le regard, au sens figuré et au sens propre..

Quand on parle de la Deuxième Guerre mondiale, Hitler devient un «bon gars» et la Sohah un truc qui aurait dû se poursuivre. Tsé, quand tu vois des graffitis avec des croix gammées sur des pupitres et des murs, ça remue un peu et dénote une profonde incompréhension d l’histoire.

Dans les faits, en privilégiant une langue commune au lieu de valeurs communes en immigration, une grande erreur a été commise.

Enfin, signe des temps, les élèves haïtiens, qui autrefois avec des racines communes avec les Québécois, sont aujourd’hui branché sur New York et valorisent l’anglais et la culture américaine. »

La grande majorité des élèves d’autres cultures manifestent un comportement ouvert et correct. Tout comme bien des Québécois. Il y a bien sûr beaucoup de préjugés de part et d’autre. Et il ne faut pas le nier, certaines communautés sont davantage victimes de racisme que d’autres. LA difficulté que je vois est qu’on est rendu dans une polarisation des positions. »

Dans une école de Parc-Extension: de l’anglais, mais pas de mépris
« J’enseigne les arts dans une grosse école primaire de Parc-Extension, l’utilisation de l’anglais est vraiment un gros problème, les élèves ne parlent qu’anglais entre eux, en classe dans les corridors…

C’est comme l’éléphant dans la pièce, on se fait beaucoup remettre la responsabilité nous les profs… On se fait dire de demander aux élèves de parler français… Mais c’est comme une grosse vague qui nous submerge!!! Leur français est tellement faible. Ils ne l’utilise pas parce que c’est trop difficile pour eux… Je ne comprends même pas comment ils font pour faire des apprentissages. En 5ieme année j’ai encore des élèves qui vont me dire « Madame toi donner ça à moi »

Ceci dit, je ne ressens pas de mépris envers les francophones et la culture québécoise, seulement ils vivent dans un univers ou personne ne parle français, on existe pas… »

Au collège St- Sacrement de Terrebonne
Un parent: « dans une classe de secondaire 1 il y a 35 élèves, de ce nombre 7 sont Québécois de souche. À la moindre occasion, ces élèves se font traiter de racistes. Le groupe dominant ne se gène pas… Les parents n’osent pas trop se plaindre et la direction marche sur des oeufs car si des interventions se passent certain parents arrivent à l’école avec leur avocat. Y-a-t-il une issue? Où allons-nous ? »

À l’école pour raccrocheurs Amos, à Montréal Nord, un contre-exemple
Le journaliste Michel Arsenault écrit dans Le Devoir: « Depuis la rentrée scolaire jusqu’à la grève des enseignants, j’ai pu constater que la lingua franca de l’école Amos, qui accueille des raccrocheurs de 16 à 20 ans, était bien le français. Les élèves, presque tous d’origine étrangère, parlent parfois le créole, l’espagnol ou l’arabe entre eux, mais jamais l’anglais.

La culture québécoise, loin de faire rire, y suscite la curiosité : les élèves ne la connaissent pas. Dans une classe de français, j’ai entendu une fille demander en toute candeur ce qu’était le joual. Réponse de la prof : « C’est un peu comme le créole. C’est un langage, une forme d’affirmation, de contestation. C’est identitaire. C’est très important dans l’identité québécoise. » Réaction d’un garçon : « Si on fait l’oral en joual, est-ce qu’on aura des points en plus ? » C’était une plaisanterie, pas une moquerie. »

À l’école secondaire Saint-Maxime, à Laval
Audrey Martin-Turcotte, une étudiante, témoigne dans Le Devoir: « J’ai étudié à l’école secondaire Saint-Maxime, à Laval, de 2000 à 2005, et je confirme que le mépris pour la culture québécoise était bien présent et majoritaire, même à cette époque. Les Québécois de souche y étaient marginalisés. Ayant adopté des comportements d’adaptation et des mécanismes de protection, je me suis imprégnée des autres cultures, jusqu’à ce qu’elles fassent partie intégrante de mon identité de jeune femme.

J’ai pensé toute ma vie que je devais refouler mon identité québécoise, ma culture, mes valeurs et mes racines parce qu’elles étaient honteuses. Combien de fois on m’a dit « Toi, tu es cool ! Tu n’es pas une vraie Blanche ! », et moi, naïve et en quête d’acceptation sociale, je percevais ce commentaire comme un compliment. »

Dans plusieurs écoles montréalaises
La journaliste, auteure et comédienne ClaudiaLarochelle s’exprime ainsi dans sa toute dernière chronique du site Avenues: « En vingt ans, il m’est souvent arrivé d’aller rencontrer des élèves d’écoles secondaires à Montréal et ses environs. Pour parler de mon travail. Des établissements privés comme publics. J’y ai même déjà enseigné. Juste avant Noël, une dynamique directrice du Collège Sainte-Anne, à Lachine, m’a invitée à venir présenter des livres susceptibles d’intéresser les ados dans un événement intitulé «Livres et chocolat». Je le souligne au passage parce que je trouve son idée géniale et, je l’espère, contagieuse. J’aime beaucoup les jeunes et je crois en eux, en leurs atouts, à ce qu’ils s’apprêtent à mettre en œuvre pour changer le monde. En mieux. L’environnement, la santé mentale, la diversité, le féminisme, l’ouverture sur le monde, ils ont tout dans leur besace, il me semble, pour que la Terre tourne plus rondement dans un futur imminent.

Ces quatre ou cinq dernières années, j’ai été stupéfaite de constater qu’ils se parlaient beaucoup en anglais. Dans les corridors et en classe. Pas que des expressions, non, des conversations entières. Toutes les enseignantes à qui j’en ai parlé m’ont répondu la même chose, que ça allait de mal en pis, et qu’elles avaient beau jouer à la «police du français», rien ne changeait. Sitôt qu’elles avaient le dos tourné, ça recommençait.

Si vous leur demandez s’ils aiment la langue française, il y a de fortes chances que ces élèves – toutes origines confondues – répondent oui. Sans même y réfléchir. Or, s’ils l’aiment bien et la considèrent, c’est sa défense qui n’est pas intégrée à leurs batailles. C’est peut-être faute de saisir l’ampleur de sa fragilité, son histoire aussi, avec celles et ceux qui l’ont façonnée et défendue. Or, cette inconscience reste à mon avis la démonstration présente la plus frappante du déclin et, éventuellement, de l’effacement de notre langue française, donc du cœur même de notre identité québécoise. »

Au Cépeg, à Montréal
Marie-Lou Bouchard témoigne, aussi dans Le Devoir. « En tant qu’enseignante au collégial dans un cégep montréalais, j’entends aussi parfois ce genre de commentaires. Je remarque une dévalorisation grandissante de la culture québécoise, et parfois même son dénigrement dans mes cours, ainsi que l’autodénigrement de certains étudiants québécois d’origine canadienne-française face à leur propre culture d’origine. 

Toutefois, je remarque aussi que quand nous parlons favorablement de notre culture et de nos artistes, nos élèves changent leur perception et en développent une vision positive. »

Dans les bibliothèques
Un lecteur: « ma conjointe (aujourd’hui retraitée) qui travaillait dans les bibliothèques publiques de Montréal en a été témoin à plusieurs reprises. Il s’agit de la prolifération des actes de misogynie par de jeunes garçons dans les services de garde et le préscolaire. Les coups et les insultes ne  sont pas seulement dirigés vers les enseignantes et les éducatrices, mais également vers les petites filles du groupe. Mon épouse a d’ailleurs été témoin de ces mêmes abus physiques et verbaux envers les mères de ces jeunes garçons. Triste réalité, je dois mentionner que ces comportements appartiennent essentiellement à des enfants d’origine maghrébine » (Dans un courriel distinct, l’épouse confirme.)   

De la difficulté à se faire reconnaître comme Québécois:

J’ai reçu deux témoignages de Québécoises d’origine française:

« Je suis française d’origine , arrivée à Montréal à 18 ans il y a 35 ans. À l’ UQAM je me suis fait ma communauté d’amis et ai dans l’élan de ce pays neuf qu’était le Québec j’ai voté oui en 1995. Loyale à ma communauté, j’ai un peu boudé la culture Anglo, et ai eu la chance grâce à mon travail de m’offrir un post doc en culture et histoire québécoise; j’ai eu la chance en travaillant dans le milieu culturel de rencontrer les plus grands: Ferland Léveillée Carle Reno Charlebois Forcier  Daudelin Bélanger Leloup Tremblay etc. Ai épousé un écrivain québécois .  

Je ne me suis jamais sentie Française,  je suis Québécoise.  Ou plus précisément Montréalaise. Mais 35 ans plus tard, je n’ai pas réussi à perdre mon accent, ce n’est pas que je n’ai pas essayé! Alors dès que j’ouvre la bouche devant des inconnus, on me demande pour combien de temps je suis en vacances, et quand je parle un peu plus, on me regarde et se demande comment je n’ai pas en tant de temps réussi à m’intégrer,  et je me fais souvent traiter avec mépris par des gens qui n’ont pas le 10e de ma culture québécoise… 

Peut-être que c’est pour ça que certains ne se sentent pas kebs… La frilosité face aux non de souche est très souvent rébarbative… « 

Une collaboratrice du Devoir, Karine Varela, m’écrit de même:

« Française installée depuis presque 10 ans au Québec, je vis tout ce que vous décrivez. Une fille au primaire avec aucun enfant de parents nés au Québec dans sa classe, une autre au secondaire privé à Reine marie ( les enfants parlent français plus qu’á Regina me semble t-il pour avoir posé la question).Je suis dans le quartier Villeray populaire. 

Je sors avec un souverainiste depuis quelques années et c’est votre conclusion qui est la plus juste. Je commence à me sentir québécoise, mais cela prend du temps. Une immigration est un lent processus. Nous sommes dans un environnement francophone, je fais très attention à expliquer l’importance de la langue. 

Mais nous avons aussi besoin que le Québec nous intègre. Je ne veux pas vous résumer le nombre de fois où j’ai été ramenée á mon statut de française. Je me demande si mon sentiment d’appartenance n’a pas vraiment émergé quand j’ai commencé à sortir avec un Tremblay 🙂

Réussir ce parcours est un long cheminement et chacun de nous a un rôle à y jouer l’immigré et le pays d’accueil « 

8 avis sur « Encore des nouvelles des Kebs »

  1. Un ami Français professeur a l’UQUAM (il a été directeur de département) m’a aussi avoué que quand il est seul avec des profs non québécois, les langues se délient et on sent souvent le mépris pour la culture Québécoise. Je me souviens aussi de mon cousin qui allait a l’école Saint-Maxime a Laval fin des années 80 ou il y avait beaucoup de tension entre les Québécois et les autres cultures concernant la langue commune. Cela avait provoqué du brouhaha qui avait été rapporté à la television comme quoi ca ne date pas d’hier.

  2. A voir ou écouter les émissions radio et télé ,les commerciaux avec des LG,,,z0@9 des gens de toutes les provenances c’est bien, mais ça me fait sentir minoritaire étant de la génération d’après guerre, blanc, homme ,hétérosexuel et de souche…

    Est-ce que qu’en cherchant a équilibrer une représentation insuffisante on en serait venu à un desiquilibre inverse?

    L’usage d’expression anglaise, de tournure de phase relevant de l’anglais me heurte surtout lorsque utilisé par nos élites journalistiques, politiques, artistiques. Ils sont les modèles, ils sont dans les médias nous parlent constamment, ils se doivent de tendre à éviter ces mauvaises expressions.

  3. Ces jeunes, qui méprisent la culture québécoise, font probablement partie des personnes issues de l’immigration que le MontrEal Gazette, La Presse, les héritiers des orangistes fanatiques
    d’antan, les Mountrial Rhodesians, et
    les KKKenediunes rednecks, en collaboration avec le PLQ, les affairistes de la CAQ et les fédéralistes colonisés, ont réussi à dresser contre nous et qui maintenant lèvent le nez sur nous de façon narquoise et arrogante répandant ainsi la Québécophobie et la francophobie en collaboration avec leurs CANADIAN Masters.
    La combinaison des cours d’ECR et du QUÉBEC-bashing était la recette parfaite pour que les jeunes francophones se fassent mépriser dans plusieurs écoles de Montréal.

  4. Nous vivons le résultat de la défaite référendaire de l’utilisation excessive de l’internet et de l’ambiguité culturelle instauré par la politique multiculturaliste canadienne. Le français est entrain de devenir une langue d’accommodement à Montréal. Je ne fréquente pas le milieu scolaire, mais je travaille à l’aéroport de Montréal. Il y a présentement un changement de garde chez le personnel. Les jeunes employés, souvent originaires de la diversité utilisent à prime abord l’anglais comme langue de travail. Il faut vraiment insister pour être accommoder en français..

  5. (anonyme svp)
    Voici la conversation avec mes deux enfants de Sophie barat. Contexte: père canadien français, mère anglophone de Vancouver, enfants bilingue.

    Père : est-ce que le terme khéb est négatif? Par exemple, si tu te fait dire que tu es tellement khéb

    Ma fille : (réflexion) hummm nonnnn (pas très affirmé) .
    Mon garçon : De toutes façons moi je n’ai pas l’air Québécois (il est très grand avec une chevelure très frisé en boule). Mais si tu as un « accent » très fort Québékouuais, tu vas te le faire dire.
    Père : Tu semble fier de ne pas avoir l’air Québécois?
    Mon Garçon: non non… Je fais juste dire ça comme ça. C’est ce qu’on me dit a l’école.

    Fin

  6. D’haut en bas.
    La québécité ne se porte pas bien. Et n’est pas bien portée non plus.
    Syndrome duplessien, « la politique c’est comme la boisson, y en a qui portent pas ça » ?

    Ma députée, hier, va se recueillir, ostentatoirement, sur/à la mémoire de Brian.
    Ensuite, écrit un mot; duquel s’avère remarquablement absente leur québécité commune.
    Pour laquelle celui-ci aura tant et tant travaillé. Le ‘plus Q/québécois des premiers ministres canadiens’. Ou… « Brian, premier ministre québécois »… ?
    Du joli! (‘pouvez écrire ‘y’).

    Alors, voilà, c’est ça qui est ça.
    Le mot en Q. Inspirerait Honte.
    « Ce qui caractérise le peuple québécois, c’est la honte » ?

    La faute des « autres » ?
    Automne 95, celui des Pierre.
    Bourgault qui se fait discarter.
    Drouilly, disant que la souveraineté ne se fera pas contre les immigrants mais sans eux.
    Foglia expliquant que le vote tous contre d’immigrants et al., c’est « de la sociologie »…

    Quoi qu’il en soit, le respect, ça se mérite. L’estime et l’amour de soi commencent par soi.
    Si, en effet, fait-on comme dit en la prière « apprenez-moi à me mépriser moi-même »
    bonnes sont chances qu’est-ce c’qu’inspirera-t-on, suscitera-t-on ou ressuscitera-t-on.

  7. Coupable(s), votre honneur, confirmé :

    « À force de ne jamais affirmer qui nous sommes pour ne pas froisser les autres, que nous devons par contre toujours accueillir avec plus de déférence, nous nous sommes effacés et avons disparu. »

  8. Je suis Québécoise et très fière de l’être. Dans un premier temps, lire tous ces récits me scie en deux, je suis renversée, je suis stupéfaite. Et me voilà maintenant envahit d’une grande tristesse et des larmes apparaissent.

    Je suis Sherbrookoise, j’ai fait mes études (primaire, secondaire, collégiale, universitaire) entièrement en français. Jamais je n’ai été confrontée aux réalités que vous décrivez ici. Par contre, j’ai grandi dans un univers sportif. À la maison, la télé du salon (couleur) « parlait » principalement en anglais : hockey, baseball, golf, price is right, etc. Mes parents étaient bilingues. Pas moi. Heureusement, nous avions une deuxième télé (noir et blanc) dans une autre pièce (pour moi) où j’écoutais Cré Basile, Moi et l’Autre, etc. seule. La famille était membre d’un club de golf (Milby) où nous côtoyons des Anglais, mais les Français étaient majoritaires. Mes parents étaient de bons vieux libéraux et moi j’ai toujours été indépendantiste.

    En résumé, oui notre belle langue, notre belle culture sont en danger. On s’inquiétait pour de bonnes raisons et à la lumière de vos chroniques et de votre blogue il s’avère que le feu est pris et il risque de se propager à vitesse grand V à la grandeur du Québec. Des pompiers armés de mesures costaudes doivent être déployés rapidement et fermement.

    Merci M. Lisée de prendre soin de notre Québec et de le défendre comme vous le faites.

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