Il a fait son apparition dans le débat public en 2011, cosignant un ouvrage choquant. Le malotru utilisait des chiffres probants pour crever un dogme. Le livre s’intitulait Le remède imaginaire (Boréal). Le dogme qu’il trucidait était celui de l’immigration comme solution à la pénurie de main-d’oeuvre et au vieillissement de la population et comme levier pour l’enrichissement. Les études existantes, osait-il affirmer contre l’avis unanime des gouvernements, du patronat et d’associations de gauche, démontrent que ce n’est tout simplement pas le cas. L’immigration peut avoir d’autres vertus, mais pas celles-là.
Treize ans plus tard, les constats des auteurs Benoît Dubreuil et Guillaume Marois ont fini par percoler dans le débat public, même si les zones de résistance perdurent. L’économiste Pierre Fortin a mis à jour le consensus scientifique dans ses propres publications, y compris dans un rapport de 2022 pour le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ). Il vient d’ailleurs de surenchérir. Analysant les dernières données disponibles des pays du G9 et de quatre provinces canadiennes, il conclut dans cette étude que « l’immigration contribue surtout à modifier la répartition de la pénurie entre secteurs de l’économie, mais qu’elle ne produit pas de réduction globale significative de la rareté de la main-d’oeuvre. Dans les cas étudiés, elle paraît au contraire l’avoir aggravée ». Ouch !
Benoît Dubreuil est un récidiviste. Désormais commissaire québécois à la langue française, il a utilisé le même outil — sa maîtrise des chiffres — pour dégonfler une autre baudruche : l’efficacité de la francisation pour renverser le déclin du français. « On a accumulé un passif, a-t-il expliqué, dans le sens où les gens qui sont arrivés au cours des dernières années, même si on voulait avoir des classes de francisation pour tout le monde, on n’y arriverait pas. Et même si on avait des classes de francisation, il faudrait avoir des incitatifs financiers beaucoup plus forts pour amener les gens à s’inscrire et pour amener les gens à y mettre un nombre d’heures conséquent. »
On a beau doubler, tripler, quintupler les budgets de francisation, la cible est simplement inatteignable. C’est comme vouloir mettre le lac Saint-Jean en bouteille. On peut, comme le fait la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, proclamer qu’on fait des progrès considérables, le niveau du lac ne bouge pas, et les rivières continuent de s’y déverser.
« Une majorité d’immigrants temporaires [ne parlant pas français] ne s’inscrivent pas aux cours de Francisation Québec, et ceux qui y obtiennent une place n’y consacrent pas suffisamment de temps pour dépasser le niveau débutant », dit Dubreuil. Le gouvernement de la CAQ a l’impression d’avoir frappé deux grands coups en exigeant l’obtention d’un niveau 4 (sur 12) pour renouveler les permis de travail après trois ans et d’un niveau 5 pour les étudiants en fin de premier cycle de McGill et de Concordia venant de l’extérieur du Québec.
« Moi, a dit Dubreuil devant les journalistes mercredi, un diplômé qui a un niveau 5, je ne l’embauche pas, OK ? Puis, je connais quand même pas mal l’apprentissage des langues, là. On ne peut pas prendre la personne puis la mettre dans une réunion de travail, on ne peut pas la mettre ici dans la salle puis penser que la personne va comprendre ce qui se passe. » On ne peut pas non plus l’inviter à souper. Le niveau 8, pour lui, devrait être visé « de façon générale pour assurer une intégration sociale ».
On est loin du compte, car l’afflux de travailleurs temporaires, calcule-t-il, a un impact majeur sur l’augmentation de l’utilisation de l’anglais au travail. Entre 2011 et 2023, le nombre de salariés utilisant principalement l’anglais a bondi de 40 %. C’est sans précédent, explique-t-il (mais il semble oublier la Conquête, puis l’afflux de loyalistes fuyant la révolution américaine). Reste que son évaluation est en deçà de la réalité, car il n’a pas les données pour les arrivées de 2024. Et c’est évidemment concentré à Montréal, où le gain anglophone est le plus fort et crée une spirale de l’anglicisation de l’immigration.
« La plupart des gens qui ne parlent pas français au Québec sont en immersion anglaise. Donc, si vous arrivez, vous connaissez bien l’anglais, vous êtes en immersion anglaise à temps plein et vous faites du français trois, quatre, cinq heures par semaine. Si je reviens vous voir un an, deux ans, trois ans plus tard, quelle va être votre langue forte ? Celle que vous allez privilégier dans un environnement comme celui de Montréal où, dans les faits, il n’y a pas beaucoup de contraintes à l’utilisation d’une langue plutôt que l’autre ? » La langue de Shakespeare, évidemment.
C’est donc, je le suppose, pour sortir les décideurs de leur torpeur qu’il a évalué la somme que tous les intervenants — gouvernement, entreprises, immigrants — devraient investir pour franciser correctement les immigrants temporaires arrivés avant la fin de 2023 : près de 13 milliards de dollars. Or, cette somme n’inclut ni le coût de francisation des résidents permanents qui ne parlent pas le français, ni celui des 32 % d’Anglo-Québécois qui ne le parlent toujours pas près d’un demi-siècle après l’adoption de la loi 101, ni celui des 25 % d’allophones qui ne le parlent pas non plus, ni même celui des immigrants temporaires arrivés après le 31 décembre 2023.
On peut certes mieux franciser des immigrants qui ont fait l’effort, avant de venir ici, d’acquérir des bases. Mais sinon, la francisation comme solution au déclin linguistique est un mirage. Une inaccessible étoile. Un fantasme dont la réitération rituelle par le patronat, ainsi que par les élus libéraux et solidaires, fait écran au réel et laisse place à la dégradation de la situation.
Je ne doute pas un instant de la volonté de François Legault et de plusieurs membres de son équipe de laisser en héritage la fin du déclin. Et il est indubitable que plusieurs des mesures annoncées depuis six ans sont courageuses, inédites et structurantes. J’ai bon espoir que le plan que déposera bientôt le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, inclura des éléments positifs.
Mais c’est le drame de ce gouvernement d’avoir simultanément présidé, d’abord par inconscience — il n’a pas vu venir la hausse des immigrants temporaires —, ensuite par laxisme — il fut informé de la perte de contrôle dès 2021 —, à ce grand phénomène d’anglicisation de l’ère moderne. Réagissant jeudi au dépôt du rapport, la ministre Fréchette a invité Ottawa à « sortir de sa bulle » en ce qui concerne l’inégale répartition géographique des demandeurs d’asile. Bien. Mais au sujet de l’impact anglicisant des immigrants temporaires, elle semblait confortablement campée dans la sienne.
(Ce texte a d’abord été publié dans Le Devoir.)
On doit tout simplement cesser d’accepter des immigrants qui ne parle pas le français au Québec.
Pourquoi est-ce à nous de les franciser les preuves que ça ne fonctionne pas sont évidentes.
Il faut déclencher un référendum chez les québécois de souche pour rapatrier tous les pouvoirs d’immigration au gouvernement du Québec
Et si on adoptait le projet de loi du Bloc Québécois proposé depuis plusieurs années mais toujours défait par la Chambre des Communes:
« La maîtrise de la langue française comme condition de l’obtention de la citoyenneté canadienne pour les immigrants RÉSIDANT sur le territoire québécois » et non pas comme actuellement: « L’une ou l’autre des deux langues officielles »
La Belgique l’a adopté pour chacun de ses 3 territoires linguistiques et la Suisse l’adopte dans les faits sans l’obliger…
Concernant les IMMIGRANTS TEMPORAIRES ÉTUDIANT dans une institution anglophone du Québec secondaire, collégial ou universitaire.
Organisation d’un échange obligatoire avec un étudiant francophone pour un semestre entier dans une institution scolaire francophone (le plus loin possible de Montréal) offrant un curriculum comparable.
Les commissions scolaires de la région de Québec le pratiquaient quand j’y travaillais comme administrateur de ce programme. On le faisait principalement avec l’Ontario et même avec la Bavière!!!! au niveau secondaire. Les parents s’impliquaient avec enthousiasme de part et d’autre; chaque famille « adoptaient le jumeau (twin) » pour un semestre complet. Cette pratique rendait l’expérience très peu coûteuse, essentiellement les frais de transport.
PS Dans le cas des échanges avec la Bavière, des cours intensifs d’allemand de 2 semaines avant le départ, suffisaient étonnamment…
Et si on adoptait le projet de loi du Bloc Québécois proposé depuis plusieurs années mais toujours défait par la Chambre des Communes:
« La maîtrise de la langue française comme condition de l’obtention de la citoyenneté canadienne pour les immigrants RÉSIDANT sur le territoire québécois » et non pas comme actuellement: « L’une ou l’autre des deux langues officielles »
La Belgique l’a adopté pour chacun de ses 3 territoires linguistiques et la Suisse l’adopte dans les faits sans l’obliger…
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