L’étonnante empreinte planétaire du Québec

Québec internationalImaginez un chercheur qui devrait décrire le Québec, mais sans y mettre les pieds et sans rien connaître de son économie, de sa culture ou de sa démographie.

Il devrait décrire le Québec à partir de sa présence internationale. Il devrait, en fait, le déduire.

L’empreinte culturelle

Suivant l’actualité cinématographique, il constaterait que presque chaque année depuis dix ans, un film québécois ou un film réalisé par un Québécois, est en nomination aux Oscars, aux Golden Globes comme au Festival de Cannes et qu’il n’est plus rare qu’il en reparte avec un prix. Il saurait que HBO, Netflix et autres géants de la diffusion inondent de scénarios des réalisateurs nés non loin du Saint-Laurent. Il verrait que le logo du Québec apparaît presque systématiquement à la fin des grandes productions de super-héros et de voyages dans l’espace.

Poursuivant ses recherches culturelles, il noterait que des gens de la ville de Québec sont chargés de réimaginer les plus grandes productions de l’histoire de l’Opéra dans son temple newyorkais, le MET. Il apprendrait que d’autres Québécois dominent depuis maintenant longtemps les scènes de Las Vegas et que des chanteurs d’ici occupent régulièrement les marchés francophones et, dans un cas, anglophones des ventes. On lui dirait que leurs troupes de danse sont reconnus de Philadelphie à Berlin. Il constaterait aussi que les meilleurs jazzmen, humoristes et contorsionnistes convergent, chaque année, lorsqu’il n’y a pas de pandémie, vers la métropole québécoise pour partager leur art.

Notre chercheur saurait, car il a des comparables, que le Québec n’est pas une superpuissance culturelle, car il n’est ni Hollywood, ni Paris. Mais il conclurait que le Québec est une puissance culturelle.

L’empreinte économique

Il devrait aussi remplir son calepin de notations économiques. Il apprendrait que dans les tunnels de métro de 40 villes et sur les chemins de fer de 21 pays, du Chili à l’Ouzbékistan, roulent pas moins de 100 000 véhicules portant un logo québécois, Bombardier.

Il apprendrait qu’en Aérospatiale, la métropole québécoise est sur le podium des trois grandes places mondiales et que des hélicoptères et avions québécois sillonnent le ciel de 100 pays. Ils atterrissent dans des aéroports américains, russes ou africains. Des aéroports parfois conçus et construits par des ingénieurs québécois.

Il noterait aussi que le Québec est une référence en matière de coopératives. On lui dirait que 2800 coopératives du monde entier sont venues fêter à Lévis, cette décennie, l’année internationale des coopératives. Et ils en sont revenus avec cette information étonnante que le premier employeur privé au Québec n’était pas Wal-Mart, comme ailleurs, mais une force financière majeure et coopérative, le Mouvement Desjardins. On lui dirait aussi que le Chantier de l’économie sociale du Québec est un point de référence mondial en la matière.

L’empreinte politique

Continuant ses investigations, notre chercheur s’intéresserait au poids politique du Québec. À Washington, il apprendrait qu’un des plus grands accords de libre-échange de l’histoire, l’ALENA, n’existerait tout simplement pas sans le poids politique mis dans la balance par le Québec il y a bientôt 35 ans.

À Bruxelles, on lui expliquerait qu’un autre accord historique, entre toute l’Europe et le Canada, n’existe qu’à cause de la volonté du Québec de le voir émerger.

À San Diego, on lui dirait que l’alliance entre la Californie et le Québec fut essentielle pour réduire sur tout le continent les émissions polluantes des voitures et que cette alliance forme aujourd’hui la base du seul marché du carbone en vigueur sur le continent.

À New York, on lui expliquerait que l’électricité québécoise est une des clés de la transition écologique du nord-est américain.

À Paris, on lui dirait que la force de caractère du Québec fut déterminante dans la conception d’une convention internationale protégeant la capacité des États à soutenir leurs cultures nationales. Convention d’abord portée par le Québec, la France et le Canada, puis par la Francophonie, puis par tous les pays du monde, sauf deux.

Dans plusieurs capitales africaines, il apprendrait que le Québec est un des gouvernements les plus influents d’une organisation qui en compte 77, l’Organisation Internationale de la Francophonie.

À Haïti, au Maghreb, en Afrique sub-saharienne, on lui dirait que les Québécois de 65 organisations de coopération humanitaire membres aident des populations locales à devenir plus autonomes, sur tous les plans.

Il apprendrait que, ces dernières années, le Directeur général des élections du Québec a accompagné la transition démocratique au Mexique, au Bénin, à Madagascar, au Cap Vert, en Tunisie. On lui dirait que cet organisme et l’Assemblée nationale du Québec sont, partout en Afrique francophone, constamment actifs dans la consolidation des institutions démocratiques.

L’empreinte en éducation et en sciences

À Boston, la grande ville intellectuelle américaine, on lui dirait qu’elle ne connaît qu’une rivale, en termes de nombre d’universités, d’étudiants locaux et étrangers : Montréal. Et que la métropole est régulièrement choisie comme meilleure ville au monde où étudier.

S’intéressant à la science, on expliquerait à notre chercheur que l’équivalent du prix Nobel en matière d’Intelligence artificielle, le Prix Turing, a été remis au chercheur québécois Yoshua Bengio, considéré comme un des trois parrains de l’Intelligence artificielle au monde, que Montréal est un des pôles planétaires de la recherche en cette matière et du développement des règles éthiques devant s’appliquer dans ce nouvel univers..

On lui expliquerait que l’excellence scientifique québécoise n’est pas nouvelle car un Québécois, Pierre Dansereau, est le père de l’écologie, qu’un autre, Hans Seyle, a le premier décrit le stress. Que Jacques Beaulieu, à Québec, a fait faire un pas de géant à l’utilisation du laser. On lui dirait le rachitisme a été battu en brèche parce que des chercheurs québécois ont su comment enrichir le lait. Il apprendrait qu’on a su dépister l’hypothyroïdie congénitale chez 150 millions de nouveaux nés grâce aux travaux de Jean-H Dussault. Ou encore que Bernard Belleau a conçu le 3TC, premier médicament mondialement utilisé contre le Sida. Au cours des 30 dernières années, grâce aux chercheurs québécois…
… on comprend mieux les mécanismes de la douleur et la maladie d’Alzheimer,
… on connaît des gènes prédisposant au cancer du sein,
… on a découvert la capacité des neurones de se régénérer dans le système nerveux central,
… on sait diagnostiquer précocement la scoliose et des infections bactériennes fulgurantes.

Et on invente, pour les voitures électriques, les piles les plus performantes.

Une excellente lecture d’été !

On lui dirait aussi que le Québec est habitué à être en orbite. C’est à Saint-Hubert qu’on construit le Bras Canadien de la station spatiale internationale. Des Québécois ont non seulement été astronautes mais un ex-funambule québécois fut un des premiers touristes de l’espace.

Une empreinte sur les politiques publiques

Notre chercheur trouverait aussi des empreintes digitales québécoises dans les politiques publiques d’autres pays. On vient d’Europe étudier nos politiques d’économie sociale, de Catalogne emprunter nos législations linguistiques, des États-Unis s’informer sur nos garderies ou sur nos Fonds d’investissements syndicaux, et Ralph Nader est intarissable sur notre assurance-médicaments. La France et le Canada se sont inspirés de nos lois sur le financement électoral. La pratique de médiation développée au Québec pour soustraire les litiges du lent processus judiciaire intéresse les pays européens, l’Australie, le Mexique et plusieurs autres. Et nos juristes ont oeuvré à la formation des juges chinois, contribuant à renforcer l’État de droit dans un pays qui en a cruellement besoin.

Il comprendrait que le Québec est présent au monde, qui le lui rend bien : 350 entreprises européennes et 350 entreprises américaines ont choisi le Québec, comme 65 organisations internationales. Il sourirait en apprenant que lorsque le richissime Qatar a tenté de déplacer, de Montréal vers Doha, le prestigieux et imposant siège de l’Association du transport aérien international, l’IATA, les pays membres ont massivement préféré rester à Montréal.

On pourrait lui parler aussi longtemps des sportifs venus du Québec, qui montent régulièrement sur les podiums olympiques, surtout lorsque le temps des jeux d’hiver est venu.

S’il s’intéresse à la guerre et à la paix, il saura que des Québécois ont versé leur sang pour faire reculer les nazis, et qu’on se souvient d’eux en Hollande comme à Dieppe, qu’une vingtaine sont morts en Afghanistan contre les Talibans mais qu’ils sont particulièrement fiers de leur rôle dans des missions de paix. On lui dirait que c’est à Montréal que s’est déroulé, pourtant dans un froid glacial, la plus grande manifestation mondiale visant à refuser de s’engager dans un conflit inutile, l’invasion américaine en Irak, et plus récemment une des plus grandes manifestations mondiales sur le climat, en présence de Greta Thunberg.

De retour dans son bureau, avec toutes ses notes, qu’en retiendrait notre chercheur ? Difficile à dire. Mais il est facile d’imaginer ce qu’il ne déduirait pas. Il ne croirait pas qu’un peuple de seulement 8 millions de personnes soit responsable de tout ce rayonnement. Il ne croirait pas que le PIB de ce peuple ne le hisse pas, au moins, dans le G20. Il aurait beaucoup de difficulté à comprendre que ce peuple ne soit pas membre des Nations Unies et qu’il ne puisse presque jamais voter dans les forums où se décident de grands enjeux où il a pourtant tant à dire et à offrir.

Non, de tout ce qu’il aurait appris, notre chercheur dessinerait dans son rapport les contours d’une nation forte, fière et, assurément, indépendante.


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19 avis sur « L’étonnante empreinte planétaire du Québec »

  1. Merci M. Lisée.
    Ça fait grand bien de lire cela.
    Ça me remplie de fierté !
    Alors, pourquoi ne sommes- nous pas encore un pays ?
    Autonome et  » maître chez nous « .
    On nous met bien  » des bâtons dans les roues « …….
    Il faudrait arriver à  » rester debout  » !

  2. Ce texte m’a rempli de fierté. Merci! Il faudrait le faire lire aux étudiants du secondaire.

  3. Fort bien relevé, sans fard.

    « Il aurait beaucoup de difficulté à comprendre que ce peuple ne soit pas membre des Nations Unies et qu’il ne puisse presque jamais voter dans les forums où se décident de grands enjeux où il a pourtant tant à dire et à offrir. »

    C’est pourtant facile à expliquer et comprendre à partir de l’histoire :

    Avant 1534, l’État du Québec n’existait pas. Son territoire actuel était occupé par une dizaine de Nations des plus honorables pour l’époque. Les experts en la matière en ont écrit et en savent beaucoup plus que moi : beaucoup d’hom.mes sur ce, las là. À lire écrirait Mario j’imagine.

    Avant 1608, l’État du Québec n’existait pas. De 1608 à 1759 ou 1763, c’est selon, des gens d’autres Nations de langue française s’étaient ajoutées : des Breton.nes, des Normand.es, des Picard.es et des Germain.es. Des féru.es d’histoire en écriraient plus long, tout à leur honneur, il doit bien exister une synthèse. Une balado sur ce ? plusieurs ?

    À compter de 1759, des Breton.es, des Normand.es, des Picard.es et des Germain.es se sont soustrait.es; des Anglais, des Écossais et des Irlandais se sont imposés. Des Anglaises, des Écossaises et des Irlandaises se sont jointes progressivement, en consentement mutuel, avec enfant.es j’imagine, ça risquait de surpeupler dans un autre sens voulu à Londres. Le Québec est devenu une colonie britannique.

    En 1783, environ 7000 Anglais.es, Écossais.es et Irlandais.es s’y sont ajouté.es. Le Québec devient davantage une colonie britannique.

    L’État du Québec a été créé en 1791 par l’Acte constitutionnel en divisant le Canada en Ontario et Québec et en dotant ces territoires de gouvernements locaux mais dépendants. C’est l’occasion d’un nouveau départ.

    L’État du Québec a été supprimé en 1840 par l’Acte d’union du Québec et de l’Ontario en un Canada-uni. L’État du Canada nait avec un gouvernement unique responsable mais dépendant et Montréal pour capitale. Recul magistral.

    L’État du Québec renaît en 1867 avec L’Acte de l’Amérique du Nord Britannique qui forme quatre provinces avec parlements et gouvernements locaux responsables et doublement dépendants d’un gouvernement central et d’une couronne lointaine. L’Ontario renaît, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse naissent. Nouvelle chance.

    Par le traité de Wesminster en 1931, Le Canada devient un État souverain. « Toutefois, le Conseil privé de Londres est toujours le tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle et les gouvernements canadiens ne peuvent amender la Constitution sans l’accord de Londres… En 1949, La Cour suprême du Canada devient le tribunal de dernière instance en matière constitutionnelle. » Mercier et Duhamel, 2000 et 2005.

    En 1920, Le Parlement d’Ottawa adopte le suffrage universel au niveau fédéral et en 1940 l’Assemblée législative du Québec en fait autant. Notre État fédéral et notre État provincial s’ajustent successivement en développement politique.

    En 1960, le Parlement fédéral adopte la Déclaration canadienne des droits et en 1975, l’Assemblée nationale adopte la Charte des droits et libertés de la personne. Le Canada et le Québec s’ajustent en développement juridique. J’ai lu sur Hans Kelsen. Ça va chercher.

    En 1980, le gouvernement du Québec tient un référendum pour obtenir un mandat de négocier la souveraineté-association avec Ottawa. C’est non à 59,6 contre 40,4. Les gens.es du Québec ne sont pas majoritairement prêts.

    En 1982, le rapatriement de la Constitution canadienne de Londres se fait sans l’accord du Québec. La démocratie est la dictature de la majorité. Que vouliez-vous qu’il fit à 1 contre 3 ? Il a joué défensif.

    En 1990, Terre-Neuve et le Manitoba s’opposent au renouvellement de la Constitution canadienne. C’est leur droit et c’est suffisant. Dans la logique de Hans Kelsen ?

    En 1995, le gouvernement du Québec tient un référendum sur le mandat de réaliser un partenariat économique et politique dont les grandes lignes sont tracées dans une entente entre le Parti québécois, le Bloc québécois et l’Action démocratique du Québec. La règle du 50% +1, faute d’arbitrage d’une conduite anti-sportive du Canada, comme au hockey, donne ce qui suit : non 50,6, oui 49,4.

    Vérifiez ! Jacques Parizeau, La souveraineté du Québec : Hier, aujourd’hui et demain, 2009, page 64, francophones, 61 %; francophones de l’îles de Montréal, 68 %; participation, incroyable, 94 %. L’argent et la peur. Une vision du Québec avec ça ?

    Le Québec a raté 1776; il n’était pas en forme, 1759 avait été dur dur.

    Le Québec a raté 1837; il n’avait pas réellement d’alliés.

    Le Québec a raté 1867; il était minoritaire, en marge d’un empire, sans alliés.

    Le Québec n’a pas raté 1931; trop tôt.

    Le Québec a raté les décolonisations après 39-45, il était en Canada avec les colonisateurs.

    Le Québec n’a pas réellement raté 1980. Trop occupé à autre chose, continuer à prendre dans le monde la place que vous décrivez.

    Le Canada a gagné 1982. Félicitations d’usage au vainqueur.

    Le Canada a gagné 1990 grâce à 1982.

    Le Québec a gagné 1995… à la reprise.

    Le territoire canadien mérite plus qu’un droit de vote aux Nations unies; au moins 2, peut-être jusqu’à 5. Si le Bloc manque d’idées pour le 21 octobre, en voici une.

    Pour ses 8,4 millions de gens.es et suivant.es, le Québec en veut un d’ici 10 ans. J’imagine qu’une condition s’applique.

  4. Un texte immensément inspirant qui m’emplie de fierté! À lire et relire. Mille mercis.

  5. Un très beau texte qui ne fait que renforcer notre « estime du soi » collectif.
    Merci.

  6. Je suis si Fière d’être Québécois lorsque je lis tous ses accomplissements.
    Mais, à mon avis, on a omis de parler de la découverte du Laser au Centre de Recherches de Valcartier.
    Merci de me lire.
    Marcel St-Georges

  7. Un texte à diffuser et à relire les jours de déprime. Merci, M. Lisée !

  8. CEt article est à lire absolument et fort intéressant. MErci monsieur Lisée de nous en donner l’opportunitê et le privilége. EN passant, j’ai lu votre petit bijou de livre, votre petit dernier. J’ai adoré.

  9. Merci! Excellent résumé historique!
    Il faudrait le traduire en anglais pour faire connaître notre beau Québec à nos amis anglais et aux nouveaux arrivants ne parlant et ne lisant qu’en anglais. Oui?🤔
    Namasté!🖖

  10. Et pendant ce temps, le comité olympique canadien interdit de prononcer à la française les noms de nos vainqueurs olympiques qui montent sur les podiums. Tout à coup que ça saurait qu’il y a des francophones qui vivent au Canada.

  11. J’ai apprécié ce texte si bien détaillée, qui semblait interminable. Toutefois tellement intéressant que l’on veut en savoir plus et encore … Rehausser notre fierté, nous rester ancré pour notre Québec, croire et surtout se redresser les manches pour un jour y arriver avant que les loups viennent tous nous diviser faut absolument y croire y arriver … Superbe écriture, merci et félicitations wow !!! (tres déçu que vous n’y soyez pas arriver d’être en haut de la pyramide … pour l’accomplir…

  12. Frédéric Mion, directeur de Sciences Po (Paris) à écrit lors de la collation des grades 2019

    L’humilité n’interdit pas le courage,
    elle n’interdit pas l’audace,
    elle n’interdit pas l’ambition –
    tout au contraire,
    c’est elle qui les rend possibles.

  13. Une réalité que la majorité des Québécois semblent ignorer, ce n’est pas pour rien que les gens veulent venir vivre au Québec il y a tellement de possibilité pour repartir une vie !!! Merci M. Lisée pour ce rappel et cette fierté du Québec que vous portez en vous !!!

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