Les griffes de PSPP

Pour sa première apparition à une heure de grande écoute, en plein débat des chefs, l’alors nouveau chef du Parti québécois (PQ) s’est tourné vers son rival de Québec solidaire pour lui dire tout le bien qu’il pensait de son programme environnemental. Il le trouvait presque aussi bon que le sien ! Dans beaucoup de chaumières, cette attitude a d’abord étonné, ensuite ravi. Nous sommes un peuple qui raffole des bonnes chicanes, mais davantage encore lorsqu’elles sont ponctuées de trêves.

L’homme dont on n’arrivait pas encore à prononcer le nom à rallonge, Paul St-Pierre Plamondon (je ne suis toujours pas certain de l’emplacement des traits d’union), nous avait fait le coup du bon gars.

Dans les jours qui suivaient, une femme qui ne faisait pas ses 70 ans traversait la rue pour m’apostropher. « Je voulais vous dire : le petit chef, là, je l’aime bien. » Vous m’en voyez ravi, madame. Elle n’avait pas fini : « J’ai toujours voté libéral. » Heureux changement, mais je suis un peu pressé. « J’ai plusieurs amies qui pensent comme moi. » Saluez-les de ma part !

La campagne électorale de septembre 2022 avait été pensée par la Coalition avenir Québec (CAQ) pour servir d’enterrement au PQ. François Legault avait même promis de « payer une ride » à Pascal Bérubé dans Matane-Matapédia. La bataille fut rude, faisant perdre à Bérubé 601 votes. Il ne lui en est resté que 20 057, donc 67 % du total. La CAQ a progressé et n’était plus, dans le rétroviseur de Bérubé, qu’à 15 000 voix de distance. N’empêche, le scénario prévoyant que le Matanais soit le seul rescapé de la chute était crédible.

J’avais promis à Pascal, à l’hiver 2022, au cas où il devienne le seul député restant, à l’aider à écrire un livre : Le dernier péquiste. Ce succès de librairie potentiel fut cependant contrarié par l’élection de deux autres députés, dont le chef, puis de la graduelle remontée de la pente des sondages.

PSPP (avec l’acronyme, voyez, le problème des traits d’union disparaît) nous a fait ensuite le coup du gars tenace, avec sa détermination à ne pas prêter serment au roi Charles. C’était bizarre. Il prétendait que, puisqu’il s’y était engagé pendant le débat des chefs devant des millions de personnes, il devait tenir parole. Une incongruité dans l’ère Legault, qui a tant fait pour normaliser le bris de promesses : il avait signé celle où il s’engageait à réformer le mode de scrutin, puis avait dit mettre son siège en jeu s’il ne livrait pas ses maternelles quatre ans. Il renia sa signature sur le scrutin, il ne démissionna pas devant l’échec du déploiement de sa promesse aux parents.

Un réchauffement pour le clou du spectacle : l’abandon de la réalisation « coûte que coûte » du troisième lien. Devant ce bas-fond de scène, l’acharnement du petit chef à faire exactement ce qu’il avait promis de faire détonnait. Puis, il nous a fait le coup du gars sensible. Dans l’attente du moment où il allait se présenter à la porte de l’Assemblée pour se faire dire qu’il ne pouvait y entrer, l’émotion lui mouilla les yeux. Devant la sergente qui lui expliquait que l’accès lui était interdit, il fut d’une politesse excessive, affirmant se plier à son ordre « avec grand plaisir », plutôt qu’à son grand regret.

Mais puisque 80 % des Québécois l’appuyaient sur le fond, il a aspiré une proportion telle de l’oxygène politique que les autres partis ont cédé à son caprice, dans l’espoir de tourner la page et de le renvoyer dans l’obscurité médiatique. Il n’allait pas s’y confiner, et leur a fait le coup du gars fatiguant en réclamant, le jour de la fête des Patriotes, la publication des dossiers secrets du référendum de 1995. Encore pour s’en débarrasser, ils ont dit oui. Ils n’apprennent pas.

Début 2022, seulement 3 % des Québécois pensaient que Plamondon (il y en a qui disent « Plam », pour faire court) serait, parmi les chefs, le meilleur premier ministre. Ils sont désormais 19 % à le penser, contre 38 % qui choisissent Legault. Mieux, lorsqu’on soustrait au taux d’opinions positives des chefs leur taux d’opinions négatives, le solde, appelé « taux d’appréciation », a mis en juin PSPP à 29 %, devant François Legault à 15 %. (Bérubé est à 27 % ! Toute une ride !)

Fort peut-être de cette position renforcée, PSPP nous a fait le coup du gars susceptible, juste avant la fête nationale, lorsque le Mouvement national du Québec a eu l’étrange idée de choisir, comme porte-parole de la fête, le seul chanteur québécois disponible ayant souhaité publiquement la mort du PQ et dit du mal de son chef. PSPP a montré ses griffes par un petit geste qui a fait grand bruit : faire boycotter par le PQ une cérémonie mineure. Une façon de faire savoir que lui et son parti ne sont pas de l’équipe qui tend l’autre joue, au contraire. Si on le cherche, on le trouve.

N’ayant pas perçu ce message, François Legault l’a cherché en tentant de détruire la réputation de son candidat dans Jean-Talon, Pascal Paradis. La vigueur de la réplique du chef péquiste, la publication de textos indiquant que la CAQ avait vraiment dit en privé, avant l’élection, que le troisième lien serait abandonné, confirme qu’il ne craint pas la bagarre et sait rendre coup pour coup.

Lorsque j’étais chef de ce parti et que mon taux d’approbation était anémique, une amie scénariste de séries télévisées avait trouvé mon problème. « Il faut qu’il t’arrive quelque chose. » Un personnage ne suscite l’intérêt et l’adhésion, m’expliqua-t-elle, que s’il traverse des épreuves, est mis en danger, relève ses défis. Alors on s’attache à lui et à son parcours, et on souhaite son succès. Alors que commence, avec la rentrée, sa deuxième saison, force est de constater qu’il arrive beaucoup de choses au pas si petit chef.

(Ce texte a d’abord été publié dans Le Devoir.)

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !

3 avis sur « Les griffes de PSPP »

  1. Super beau texte….de Monsieur Lisée….un ancien chef du PQ qui appuie ouvertement le nouveau chef….bravo….où sont les autres: Lucien Bouchard, P.M. Johnson….où sont les anciens députés péquistes….ceux qui ne sont pas vendus à la CAQ….
    Quel hommage sincère à PSPP qui le mērite amplement…

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