L’excellente semaine du Parti québécois

Avouez : vous pensez que je blague, avec ce titre. N’avez-vous pas lu, plus tôt cette semaine, la chronique « L’ambulance » d’un estimé collègue qui s’interrogeait sur le décès prochain du parti de René Lévesque ? Vous aviez lu les avis, aussi glauques, dans d’autres gazettes, le mois dernier ? Et les textes de l’année d’avant ? Et de l’autre, et de l’autre, et de l’autre ? Le fait est que depuis 50 ans l’annonce du trépas prochain du PQ est consubstantielle à son existence.

(Une version légèrement écourtée de ce texte a été publié dans Le Devoir.)

Mais, direz-vous, le PQ a perdu un député cette semaine. C’est vrai. C’est terrible. Pauline Marois en avait perdu quatre en 2011. La disparition du PQ, lisait-on alors, était imminente. Devenue première ministre l’année suivante, Pauline aurait pu emballer les épluchures des excellents repas qu’elle sait préparer dans l’abondant papier journal des articles qui avaient annoncé son décès.

La question n’est pas de savoir si la popularité électorale du PQ est en déclin. Cette tendance est si lourde que, si le mot existait, on dirait qu’elle est lourdissime. Évidemment, c’est la faute à l’avant-dernier chef, que la charité m’empêche de nommer mais dont les initiales sont « J-.F.L. ». Les turlupinades de cet olibrius mises à part, la descente s’explique par la réduction de la proportion d’électeurs qui font de l’indépendance leur priorité. Ils étaient 40% dans cet état d’esprit en 1994. Ils ne sont plus que 17%. (L’appui à la souveraineté est à 35%, car on y ajoute les souverainistes pour qui la question est peu importante et une part des indécis qui, par définition, sont indécis.)

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Cet état d’esprit peut changer. Le pendule n’a-t-il pas pour destin de revenir ? Surtout, ce déclin structurel n’a pas empêché le Bloc québécois de renaître de ses cendres en 2019. L’alors cheffe du Bloc (appelons-la « M.O. ») avait perdu non 1/7 de ses députés, mais 7/10. Ce parti est pourtant redevenu une des deux principales forces politiques fédérales au Québec. Pourquoi ? Il avait trouvé en 2019, en plus de l’indépendance, un enjeu porteur. Il était le seul à défendre sans inhibition la loi québécoise sur la laïcité, très populaire. C’était la ligne de fracture principale entre le Bloc, d’une part, les autres partis, d’autre part.

Voilà en quoi la semaine fut excellente pour le Parti québécois : une ligne de fracture similaire est apparue. Il faut au PQ et à son chef un enjeu qui préoccupe grandement les Québécois et dont il est le seul porteur. C’est encore mieux si l’enjeu colle à son identité propre. Cet enjeu, c’est la langue. Ou plutôt, la crédibilité linguistique face au déclin.

La CAQ avait rendu public un sondage Léger démontrant que les Québécois étaient favorables aux mesures de son projet de loi sur le français. Le PQ a publié cette semaine son propre sondage Léger posant une question inopinément oubliée par la CAQ : les mesures du projet sont-elles suffisantes pour enrayer le déclin du français ? La réponse est nette : seulement un Québécois sur quatre fait confiance au projet caquiste pour renverser la vapeur. C’est pire chez les jeunes et les femmes : 1/5 seulement.

Cela dit, les Québécois sont-ils favorables aux propositions plus ambitieuses avancées par le PQ, mais que la CAQ réprouve ? De façon complétement nouvelle et étonnante, la proportion de francophones désormais favorables à étendre la loi 101 au Cégep frôle les 70%.  De même, on avait toujours su les jeunes réticents à s’enlever le choix linguistique collégial. Désormais chez les 18-35 ans, 51% favorisent la mesure, 30 % seulement y sont opposés.

L’autre proposition phare du PQ pour renverser la tendance est l’obligation faite aux futurs immigrants de démontrer une connaissance du français avant de venir au Québec. Pas moins de 75 000 personnes ont donné leur opinion sur cette question à la boussole électorale de Radio-Canada il y a deux ans. Les deux-tiers des francophones sont pour. Donnée intéressante : 53% des allophones aussi.

Tout l’automne, une commission parlementaire entendra témoins et experts puis étudiera le projet. Le PLQ et QS proposeront des modifications à la marge. Seul le Parti québécois mettra en cause de façon frontale l’inefficacité du projet. Sur cet enjeu, la CAQ et le PQ seront pour ainsi dire au centre du jeu, se disputant la rondelle. Mais seul le PQ sera au diapason de la majorité de l’opinion québécoise, comme l’était le Bloc au sujet de la laïcité.

Reste à savoir si la question linguistique sera un enjeu important de la campagne électorale de l’an prochain. François Legault a bien sur l’option d’intégrer les positions péquistes dans sa loi pour neutraliser son adversaire. Sinon, tout l’environnement qu’il a lui-même créé depuis deux ans sur la langue viendra donner de l’oxygène à son critique péquiste. Car désormais, 78% des francophones affirment que leur langue est en déclin. Un chiffre gigantesque.

Ce n’est pas tout. La CAQ a gagné en 2018 parce que les électeurs (et beaucoup de péquistes) la jugeaient la mieux placée pour les libérer des libéraux. Le second enjeu le plus porteur était celui de la réduction de l’immigration. Plus de 50% des Québécois la souhaitait. La CAQ semblait la plus déterminée à y arriver.

En 2022, la CAQ étant revenue aux seuils libéraux de 50 à 55 000 immigrés par an – un de plus élevés par habitant au monde – sera accusée de bris de promesse électorale sur ce point. Paul Saint-Pierre Plamondon s’est engagé, pour des raisons linguistiques, à revenir aux seuils pré-libéraux, de 30 à 35 000 par an. Il sera donc le seul, en 2022, à être à ce sujet au diapason de la majorité de l’opinion. Combien de déçus de la CAQ, qui sont pour l’essentiel d’anciens électeurs péquistes, feront le voyage de retour ? De la réponse à cette question dépend l’ampleur du rebond péquiste.


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2 avis sur « L’excellente semaine du Parti québécois »

  1. Pour de meilleures semaines encore au Parti québécois,

    « consubstantiel ».

    Vous m’avez fait ouvrir mon Petit Robert. Ça va chercher en Euch comme d’autres disent en tab.

    J’ai retenu de votre Sortie de secours : comment échapper au déclin du Québec, 2000, que vous vous y connaissez en voile, en bateau à voile… Au tournant du siècle vous aviez de terriblement bonnes idées en évolution du sa langue courante et de sa population. Ça n’a pas été suffisant, autres chapitres et idées. Vivement moins de temps à la lutte à la Covid-19 à l’émission Mordus de politique à l’automne. J’espère.

    En 2014 le vent ne soufflait pas assez fort dans la voile du PQ. L’élection était prématurée. Pour 2018, la CAQ a joué d’opportunisme et d’audace, et gagné gros à la partielle de Louis-Hébert. L’urgence n’était pas au climat mais au congédiement du PLQ. Louis-Hébert a été phare éblouissant pour la suite avec Geneviève Guilbault en proue. Pour 2022, la perspective est-elle au réengagement ou au congédiement du gouvernement, ou à l’élection de l’intérêt des électeur.es ?

    « Les turlupinades de cet olibrius » ont compté pour peu dans la descente en popularité de l’idée de souveraineté et de son report par QS et le PQ à l’année imprévisible pour l’heure de l’obtention d’un premier mandat. La souveraineté pourrait passer en partie par l’adoption d’un nouveau mode de scrutin. J’y oeuvre pour l’automne. Vous avez joué solide à l’entente transpartisane de mai 2018. C’était un premier pas à poser devant d’autres. Merci.

    Le principe d’établir un nouveau mode de scrutin a été adopté, c’en était un deuxième. La sanction par référendum ? Une bonne intention mais les consultations de la commission des institutions ont révélées que ce n’était pas souhaité par des experts et des représentant.es d’un million et demie de Québécois. La réforme de la carte électorale devient la barrière infranchissable pour 2022; un grand dérangement dont le prix n’en vaut pas le coup ou coût n’a pas dit de même Marc Tanguay et bon nombre d’élu.es de la CAQ; je me suis laissé dire; reste à faire retirer maintenant avant le temps nécessaire à la DGEQ pour faire le nécessaire.

    En somme, remplacer le mixte compensatoire proposé dans le projet de loi Pl °39 par quelque chose de meilleur, je pense à un mode de scrutin CRP : circonscription, région, parti; puis adopter article par article. J’en écris long sur le sujet ce temps-ci sur la Facebook du Mouvement Démocratie Nouvelle. Mon blogue est échoué en questionnement, ma page Facebook occupée à autres choses.

    Je ne lis plus régulièrement votre distingué collègue Michel David depuis que j’ai troqué mon abonnement papier de fin de semaine pour accès illimité aux archives électroniques du Devoir. Vous aussi, là, du coup. Je reviens vous lire ici. Michel est aussi optimiste à l’endroit du Pl °39 qu’il l’est pour le futur du PQ.

    Le marché politique du Québec a évolué cette semaine avec le passage de Claire Samson de la CAQ au PCQ. Le 28 octobre 2011, Alain Dubuc a écrit un article court phare éclairant sur le PQ, vu sous quatre angles : sa PDG Pauline Marois alors, sa marque, son produit et son marché. C’est grossièrement structurant et pas entièrement périmé.

    https://www.lapresse.ca/debats/201110/27/01-4461896-au-suivant.php

    En matière de popularité, Paul St-Pierre Plamondon n’a rien à envier à Dominique Anglade chef du PLQ, ni à Geneviève Guilbault, vice-première ministre; à François Legault, oui. C’est à ma Facebook. La foule d’abonné&es obtenue à la page de Paul depuis un an est des meilleures mais la concurrence est féroce du côté de QS et maintenant du PCQ.

    Le marché politique n’était plus un duopole en 2011, il l’est encore moins en 2021. L’arrivée d’Éric Duhaime faisait une bonne semaine pour le PQ, la traversée de Claire Samson de la CAQ au PCQ une meilleure bonne semaine. La CAQ a plus de concurrence maintenant et ça ne peut pas nuire gros au PQ. Éric a écrit en 2011, 10 ans, L’État contre les jeunes: comment les baby-boomers ont détourné le système. J’aime son souci pour l’intergénérationnel.

    Côté produit, la perspective d’un référendum est une idée risquée à 17 % de oui et 35 de ouins. La repousser à 2022 en 2018 était approprié, l’envisager pour 2026 hâtif, François Legault a mis 1 ans à absorber l’ADQ puis 6 à former une équipe et simplement devenir l’alternative facile plutôt que l’entre-deux-chaises PQ pour obtenir la charge avec l’appuis de 37 % d’un électorat qui ne fait pas 50 % de la population totale.

    https://www.facebook.com/robert.lachance.3532/posts/1959195094216809

  2. Neuf députés du PQ se sont montrés silencieux sur les conférences de presse bilingues de Legault alors que les premiers ministres des autres provinces sont en anglais seulement. Une occasion ratée de soulever par le PQ le message qu’envoie le premier ministre sur l’inutilité de l’usage du français puisque Legault leur démontre que l’usage du françcais est marginal.

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