Lire: Remettre votre vision du monde à l’endroit !

Factfulness

Saviez-vous qu’aujourd’hui, sur terre, 80% des enfants de moins de 1 an ont reçu au moins un vaccin ? Vous auriez dit beaucoup moins, non ? Moi aussi.

Saviez vous que l’extrême pauvreté dans le monde a été réduite de moitié depuis 20 ans. Je répète: réduite de moitié depuis 20 ans.

Et si l’homme de 30 ans, tous pays confondus, a reçu en moyenne 10 ans de scolarité, quelle est le chiffre pour les femmes de 30 ans ? Je n’aurais pas dit 9, un an de moins que les hommes. Vous non plus. À moins que vous n’ayez suivi ces dernières années, sur Ted Talks ou ailleurs, l’extraordinaire travail de redresseur de faussetés mené par le docteur Hans Rosling et sa petite équipe. (Ou que vous ayez compulsé les rapports statistiques de l’ONU.)

Il livre dans Factfulness (le titre a été gardé pour la version française, malheureusement, mais surmontons cet obstacle) le résumé de toute une vie de travail médical et scientifique sur le terrain et sur les données. Il est mort juste avant sa publication.

Rosling a développé une façon très imagé de représenter l’évolution mondiale. Comme dans ce graphique qu’on trouve sur son site gapminder.com. Les bulles représentent les pays. Avec le temps, plus ça monte vers le haut, plus l’espérance de vie est longue, plus ça va vers la droite, plus le revenu par personne est élevé. Les plus grosses bulles représentent les pays les plus habités, dont la Chine et l’Inde. (Vous pouvez cliquer sur les bulles pour faire apparaître le nom des pays.)

Cliquez sur la flèche et regardez jusqu’à la fin.

Il m’arrive très rarement d’accoler à un titre l’acronyme NPLCLALUTDMC (ne pas lire ce livre aurait laissé un trou dans ma culture), mais celui-ci le vaut amplement.

Les faits sont têtus, mais pour l’essentiel méconnus. Pour dix raisons qu’explique Rosling dans cet ouvrage extraordinairement facile d’accès. L’une est que nous avons gardé en tête des données qui sont caduques, tant le monde change rapidement. L’auteur nous semonce ici, avec raison:

« Il y a 20 ans, 29% des habitants de la terre vivaient dans l’extrême pauvreté. Aujourd’hui ? Le chiffre est 9%. Aujourd’hui, presque tout le monde s’est évadé de l’enfer. La source principale de la souffrance humaine est sur le point d’être éliminée. On devrait célébrer en grand ! »

Une autre cause de notre mauvaise perception de l’évolution du monde est que nous sommes programmés pour être pessimistes (nos ancêtres optimistes ont été éliminés du bassin génétique, entre autres dévorés par des bêtes sauvages dont ils pensaient qu’elles n’étaient pas dangereuses.)

Une autre est que nous voyons les choses en blanc et en noir, plutôt qu’en nuances de gris. Et s’il est vrai que les inégalités de revenus entre les ploutocrates (le 1% et le 0,1%) et le reste des terriens est en hausse fulgurante, cela cache une autre réalité: l’augmentation massive du niveau de vie de presque tous les citoyens de la planète.

Y compris dans les pays dictatoriaux. On pense à la Chine, bien sûr. Mais on peut parler aussi de l’Iran. Rosling a cette phrase:

« Seulement dans quelques pays, dirigés par des leaders exceptionnellement destructeurs ou accablés par de graves conflits, avons nous vu le développement s’arrêter. Partout ailleurs, même avec les présidents les plus incapables qu’on puisse imaginer, il y a eu progrès. C’est à se demander si les leaders ont de l’importance. Et la réponse est probablement non. C’est le peuple, la multitude, qui construit une société. »

 

Cliquez sur l’image pour le commander.

C’est fou, on ressort de la lecture du livre avec une appréciation complètement nouvelle de l’état du monde. Évidemment, Rosling nous parle du réchauffement climatique, qui l’inquiète énormément. Mais ce n’est pas son sujet principal. Lui qui a travaillé sur l’ebola mets d’ailleurs le risque de nouvelles pandémies mondiales au premier rang de ses inquiétudes pour l’avenir, la crise climatique ne venant qu’au second rang.

Pourquoi ? Parce qu’on « sait quoi faire », explique-t-il, pour amenuiser le réchauffement. Simplement, on ne le fait pas. Alors que nous ne saurons même pas quoi faire face à certains risques de contagion biologique. (Dans un remarquable passage, il explique comment les pays africains impliqués ont su contenir, jusqu’ici, l’ebola.)

Donc on est aux prises, après cette lecture, avec un sentiment paradoxal. Oui, le monde va beaucoup mieux qu’on ne le pensait. Mais il s’achemine à vitesse grand V vers une catastrophe climatique de grande ampleur. On est déchiré entre les applaudissements et les pleurs !

Donc à lire absolument. Disponible ici.

PS. Je sais que vous allez me demander quels sont les autres livres qui ont reçu la mention NPLCLALUTDMC (ne pas lire ce livre aurait laissé un trou dans ma culture). Il en existait plusieurs avant que je ne commence ces recensions — et je vous en parlerai un jour. Mais plus récemment, j’ai donné ce titre à la biographie de Camille Laurin par Jean-Claude Picard, L’homme debout (recension ici, on l’achète ici), et à l’essai sur Jésus de Réza Aslan, le Zélote (recension ici, on l’achète ici).



Ne manquez pas ma dernière balado.
Crise SNC: À qui la faute ?
En voici un extrait: 

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À propos de Jean-François Lisée

Il avait 14 ans, dans sa ville natale de Thetford Mines, quand Jean-François Lisée est devenu membre du Parti québécois, puis qu’il est devenu – écoutez-bien – adjoint à l’attaché de presse de l’exécutif du PQ du comté de Frontenac ! Son père était entrepreneur et il possédait une voiture Buick. Le détail est important car cela lui a valu de conduire les conférenciers fédéralistes à Thetford et dans la région lors du référendum de 1980. S’il mettait la radio locale dans la voiture, ses passagers pouvaient entendre la mère de Jean-François faire des publicités pour « les femmes de Thetford Mines pour le Oui » ! Il y avait une bonne ambiance dans la famille. Thetford mines est aussi un haut lieu du syndicalisme et, à cause de l’amiante, des luttes pour la santé des travailleurs. Ce que Jean-François a pu constater lorsque, un été, sa tâche était de balayer de la poussière d’amiante dans l’usine. La passion de Jean-François pour l’indépendance du Québec et pour la justice sociale ont pris racine là, dans son adolescence thetfordoise. Elle s’est déployée ensuite dans son travail de journalisme, puis de conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, de ministre de la métropole et dans ses écrits pour une gauche efficace et contre une droite qu’il veut mettre KO. Élu député de Rosemont en 2012, il s'est battu pour les dossiers de l’Est de Montréal en transport, en santé, en habitation. Dans son rôle de critique de l’opposition, il a donné une voix aux Québécois les plus vulnérables, aux handicapés, aux itinérants, il a défendu les fugueuses, les familles d’accueil, tout le réseau communautaire. Il fut chef du Parti Québécois de l'automne 2016 à l'automne 2018. Il est à nouveau citoyen engagé, favorable à l'indépendance, à l'écologie, au français, à l'égalité des chances et à la bonne humeur !

5 avis sur « Lire: Remettre votre vision du monde à l’endroit ! »

  1. Qu’est-ce que s’aurait été si le Québec avait été à l’ONU ! ?

    Pour vous faire une idée, Lisée 2000, Sortie de secours : Comment échapper au déclin du Québec, chapitre 7, La voile et la quille, Au grand vent de la mondialisation.

    J’écris ça de même, sans avoir relu. Il y a probablement meilleur ailleurs sur ce sujet de Jean-François.

  2. Je suis septique face à ce constat! Comment expliquer cette baisse soudaine de la pauvreté? Je vais devoir lire ce bouquin!

  3. Cher Monsieur Lisée.

    Je termine tout juste la lecture du livre de Rosling dont le titre en français aurait dû être «La factualité», «La vérité des faits», «Célébrons les faits!», «Soyons factuels!». Que voulez-vous. le livre a été traduit en France et nos chers cousins ne jurent que par le franglais. En espérant que cela leur passera…

    Revenons au livre. Malgré un score honorable de 11/13 aux questions de l’introduction, j’ai beaucoup appris dans les domaines de l’économie (les 4 niveaux), des systèmes de santé dans les pays en développement, l’épidémiologie et des biais cognitifs (les 10 instincts).

    Ce livre me rappelle beaucoup le livre «Le Triomphe des Lumières» (Enlightenment Now) de Steven Pinker, linguiste et psychologue cognitiviste né à Montréal et diplômé de McGill.

    Rosling comme Pinker sont de francs optimistes qui saluent les progrès de l’Humanité mais négligent la plus grande menace qui plane sur l’Humanité soit la crise environnementale.

    Pourtant, il semble évident que tous les progrès économiques, dont Rosling et Pinker sont si fiers, ont été en grande partie réalisés aux dépens de notre environnement. Nous avons contracté une énorme dette environnementale envers les générations futures. Quand le contrecoup viendra – comme c’est déjà le cas parce que les ressources de notre planète sont limitées et en vertu des lois de la physique (particulièrement la thermodynamique) – cela pourrait balayer ce qui n’aura été qu’une illusion passagère de progrès.

    Quant à moi, j’ai le devoir moral comme scientifique et comme père de famille, de poser des gestes concrets (les fameux 6R: refuser, réduire, réutiliser, réparer, recycler, réinventer), de tenter d’informer et d’éveiller la conscience des personnes, du moins celles de bonne volonté. Cela passe par mes petits commentaires dans votre blogue.

    Croyez-moi, j’ai bien d’autres chats à fouetter, mais devant l’immobilisme ambiant, je n’ai pas le choix que de m’engager.

    Scientifiquement vôtre

    Claude COULOMBE

  4. Bonjour,
    C’est bien d’aller comme vous le faites plus loin que le fil de presse. Celui-ci n’est que du repérage, et un repérage est tout de suite effacé par un autre repérage. Peut-on vraiment appeler ça de l’information? En tout cas, on n’est pas dans la formation. Seuls les livres permettent un bonne formation.
    Au plaisir!

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