1992: Le référendum refoulé

Lorsque je souhaite être facétieux avec mes amis fédéralistes, ce qui m’arrive assez régulièrement, je leur pose deux questions. D’abord : quel était le résultat, au Québec, du référendum sur la Constitution de Pierre Trudeau ? Généralement, mon interlocuteur cherche laborieusement la réponse dans son cerveau, un peu comme s’il était soumis à un vox pop de Guy Nantel. En l’absence de réponse, j’enchaîne : bon, alors comment avez-vous voté ? Cela provoque, chez la plupart, un chaos synaptique.

Sincère allégeance

Bernard Landry était fier de son ascendance acadienne. Lorsque Roméo LeBlanc, qu’il connaissait, est devenu le premier gouverneur général originaire d’Acadie, Landry a eu cette boutade : « Méo, maintenant que tu es la reine, tu pourrais t’excuser ! » S’excuser, tout le monde comprend, pour la déportation de tout un peuple par l’armée de Sa Majesté. Un acte dont on peut débattre, avec les concepts d’aujourd’hui, pour déterminer s’il satisfait aux critères du crime de guerre, du crime contre l’humanité ou de la tentative de génocide.

Mon René Lévesque

L’adolescent derrière Lévesque, c’est moi. À côté d’un jeune Bernard Descoteaux.

Il était assis juste en face de moi. Si près que nos mains posées sur la table auraient pu se toucher, s’il n’utilisait les siennes pour porter sa cigarette à ses lèvres ou pour amplifier ses arguments de ses gestes. Il avait 53 ans, j’en avais 16. J’étais du comité organisateur qui l’avait fait venir au cégep de Thetford Mines, en ce jour de 1974 ou 1975. Mes camarades, lui et moi discutions des sujets du jour. L’incroyable gabegie entourant la construction du Stade olympique. « Croyez-vous qu’il y a de la corruption là-dedans ? » lui demandai-je. Ce n’est pas impossible, répondit-il. En tout cas, ça sentait mauvais. J’étais évidemment très impressionné d’être en sa présence, mais étonné par sa simplicité. L’absence de distance. Il discutait avec nous comme si nous étions de vieux camarades, dignes de son attention. Il était parfaitement à l’aise dans cet environnement étudiant.

Torturer l’histoire (intégral)

Tiens, il me vient soudainement le goût de produire un documentaire. J’y ferais la démonstration qu’avant le référendum de 1995, le nationalisme québécois était étroit, fermé, xénophobe. Mais qu’après, il devint moderne, attentif aux minorités, ouvert sur le monde. Les faits seront vrais, je le jure. Mais le tri que j’en ferai, le poids relatif que je leur donnerai, le ton du narrateur (moi),  la sélection et le montage des entrevues d’invités et de commentateurs seront complètement assujettis à ma thèse.

Devoir de mémoire

Ils me trouvent insistant, les politiciens à la retraite. Chaque fois que j’en croise un (ou une), je m’informe sur l’avancement de leurs mémoires. Je fais de mon mieux pour culpabiliser ceux qui répondent qu’ils n’en font pas, que ça ne les intéresse pas. J’évoque leur responsabilité de témoigner pour que les historiens comprenne l’époque, la prise de décision, l’humeur, le climat, la tension comme la camaraderie. Tous n’ont pas la plume agile. Je les enjoins de se trouver un jeune auteur qui fera le travail de recherche pour eux et enregistrera, dans le détail, le parcours de leur vie.